Pour comprendre l'histoire de ce temple, il faut faire la distinction entre l'histoire de la statue, si célèbre, et celle de son temple. Car le temple n'est qu'un écrin pour ce petit bijou de la statuaire asiatique si particulière. Ce ne fut pas le seul au cours de l'histoire, et cette dernière nous prouvera peut-être un jour qu'il ne sera pas le dernier. Toujours est-il que la statue trouve son origine au XVe siècle, alors que le temple, lui, date du XVIIIe.
Temple du Bouddha d'émeraude la nuit
Histoire du Bouddha d'émeraude
L'histoire du Bouddha d'émeraude est expliquée dans la partie qui traite de cette statue, avec sa description.
Lire l'histoire du Bouddha d'émeraude.
Histoire du temple du Bouddha d'émeraude
On fait remonter la tradition de construire un temple bouddhique dans l'enclos du palais royal à la période Sukhothai, soit entre, à peu près, 1240 et 1438. Ainsi depuis cette époque chaque capitale possédait, dans l'enceinte du palais, un temple. Lorsque Râma 1er (1782-1809) choisit Bangkok comme capitale, au début de son règne, il ne fit pas exception. Il décida qu'il serait à l'Est de son palais, et lui offrit le Bouddha d'Emeraude qu'il avait récupéré de Ventiane, au Laos.
La construction du temple prit deux ans, de 1782 à 1784. Elle commença par la construction des parties Sud et Ouest, puis, dans un deuxième temps, on fit construire d'autres bâtiments au Nord et à l'Est. L'ensemble fut rapidement entouré d'une longue galerie magnifique.
Les premiers bâtiments furent bien sûr l'ubosoth, qui était destiné à accueillir le Bouddha d'émeraude, puis arriva la bibliothèque. Il fait aussi construire les 12 petits édifices qui entourent encore de nos jours l'ubosoth, les 8 prangs de l'Est (tours de style khmères) et la galerie. Bien sûr la terrasse était déjà construite, avec deux stupas à l'Est. Le bâtiment appelé Ho Phra Nak arriva très rapidement après, à l'angle Nord-Ouest. Il fut incendié rapidement mais tout de suite reconstruit par le frère de Râma Ier.
La première restauration sous Râma III
Sous Râma III, au milieu du XIXe siècle, le temple subit de grandes restaurations. Il commença par la bibliothèque et l'ensemble des petits pavillons qui entourent l'ubosoth. Il restaure ensuite deux stupas en or et les huit prangs de l'Est. Il fit aussi faire une série de petits travaux dont le but était l'embellissement de la zone, d'un point de vue général.
Les modifications sous Râma IV
Mais c'est sous Râma IV (1851-1868) que furent effectués les premiers travaux d'importance. Il fit agrandir la terrasse sur laquelle se trouve la bibliothèque et il l'équipa d'une double balustrade. Il perça six portails, fit construire six escaliers et ajouta la galerie à l'Est puis celle de l'Ouest. Des entrées furent somptueusement décorées. En 1855 un nouveau stupa fut construit à l'Ouest de la bibliothèque. On l'appelle le Phra Si Ratana Chedi et on sait qu'il a accueilli les reliques de Bouddha. C'est Râma V (1868-1910) qui fit faire la mosaïque dorée qui le décore.
A l'intérieur du temple
Parmi les ajouts, en 1856 Râma IV ordonna la construction du « panthéon royal ». C'est un prang de petite taille qui devait accueillir le Bouddha d'émeraude, mais il fut bâti trop petit pour y organiser des cérémonies et fut finalement laissé sans occupation. Les stupas construits par le roi Râma 1er furent remplacés par des stupas en or que l'on installa sur la terrasse devant l'aile Est du panthéon royal. Quant à la bibliothèque elle-même, elle fut restaurée à cette époque.
La maquette du temple d'Angkor Vat que l'on peut voir au Nord de la bibliothèque fut commencée sous Râma IV et inaugurée sous son successeur. Elle avait pour but de rappeler que le Cambodge était sous domination de la Thaïlande, au milieu du XIXe siècle.
Egalement sous Râma IV, on vit construire un nouveau bâtiment, celui destiné à protéger le Bouddha de bronze dit « Bouddha Gandhara ». C'est une statue sculptée sous Râma 1er représentant Bouddha en tenue de moine traditionnel chinois et appelant la pluie de sa main droite et la recevant de la main gauche. Une telle statue avait besoin d'un petit bâtiment protecteur. Râma V l'améliora avec l'ajout d'un toit en tuile.
Au Sud de l'ubosoth fut construit un beffroi en remplaçant d'un autre, plus ancien. A l'Ouest c'est un simple pavillon qui fut ajouté, pavillon qui fut encadré par deux autres pavillons plus petits. Celui du Nord est appelé Rachakaramanusorn alors que celui au Sud est le Ho Rachapongsanusorn. Le pavillon du milieu abrite 34 petites statues de Bouddhas en bronze dans des attitudes variées.
L'ubosoth fut également impacté par les travaux de restauration de Râma IV. Le toit fut refait, les peintures intérieures améliorées. On refit les décors des portes qui, initialement peintes, furent recouvertes de nacre. Il fit aussi refaire les tuiles entourant la base de l'ubosoth. Quant aux galeries, les peintures furent restaurées également, mais ce travail fut tellement long qu'il dura jusque sous le règne de Râma V.
La seconde restauration
En 1882 arriva le centenaire de la ville de Bangkok. Pour les célébrations le roi fit restaurer et améliorer à nouveau une partie du temple du Bouddha d'émeraude. C'est cette restauration que l'on considère comme la seconde la plus importante de l'histoire du temple.
Le Phra Si Ratana Chedi fut recouvert de mosaïques dorées. Il fit sculpter des animaux en bronze dorés qui sont de nos jours sur la terrasse du Panthéon royal. Il fit aussi rédiger des poèmes racontant l'histoire du Râmakien, textes qui furent placés sur les colonnes de la galerie pour expliquer ce qui est montré dans les fresques, au même endroit. Ces poèmes furent créés par le roi, des princes, des fonctionnaires et des bonzes.
Il ajouta aussi deux grands démons sur le modèle des 6 qui existaient déjà et qui dataient du règne de Râma III, puis des monuments commémoratifs concernant les rois de sa dynastie. Au Nord-Ouest se trouvent un bâtiment commun aux rois Râma I, II et III, au Sud-Est celui de Râma IV et au Sud-Ouest du panthéon royal le sien.
Les restaurations suivantes
Durant le XXe siècle quelques autres restaurations eurent lieu au temple du Bouddha d'émeraude. Tout d'abord un incendie se produisit en 1903, emportant le toit du panthéon royal. Il a été provoqué par l'installation électrique qui y avait été mise. Le roi Râma V fit faire les travaux qui se poursuivirent sous Râma VI par ceux du toit de la bibliothèque.
En 1918 le panthéon royal reçut sa véritable fonction, celle que l'on connait de nos jours. C'est cette année-là que Râma VI fit installer 5 statues des rois précédents du pavillon Sivalai, qui se trouve au grand palais, dans cette salle qui était vacante jusqu'alors. On construisit à cette occasion deux stupas en or à l'Est de la terrasse. Cette dernière fut modifiée par l'ajout de 4 grands escaliers, un par côté. Quant aux escaliers qui mènent à l'ubosoth, ils furent refaits pour réduire la hauteur des marches, trop difficiles d'accès.
En 1932, alors sous le règne de Râma VII, eut lieu les 150 ans de Bangkok, qui fut une occasion de restaurer à nouveau le Wat Phra Kaeo en profondeur. A cette occasion les peintures du Râmakien furent entièrement refaites, elles avaient été fortement abîmées par les intempéries. Râma VII subit par ailleurs la révolution thaïe, en 1932. Elle transforma la monarchie absolue en monarchie constitutionnelle. A cette occasion et symboliquement le trône de pierre du roi Ram Khamhaeng qui avait été amené au début du siècle dans l'enceinte du grand palais et qui fut déplacé à plusieurs reprises fut mis au Vihân Yod, dans l'enceinte du temple du Bouddha d'émeraude.
En 1982 eut lieu le bicentenaire de Bangkok, et à nouveau le temple reçu une restauration. Le trône de la statue de jade fut redécoré en feuille d'or, les peintures du Râmakien refait, et le trône de pierre fut transféré dans le musée. On profita de l'occasion pour construire un nouveau bâtiment au Nord-Ouest du panthéon royal, il sert de bâtiment commémoratif du bicentenaire de Bangkok. Il porte les emblèmes des rois Râma VI, VII, VIII et IX.
De nos jours
De nos jours le temple est tout à la fois un important sanctuaire religieux et un site touristique d'importance. Ouvert au public, et gratuit pour les Thaïlandais, le site permet de faire se croiser des moines ou moinesses avec des groupes d'enfants en sortie scolaire, des étudiants et des caars de touristes, des amoureux de l'art et ceux de l'architecture, les curieux de l'histoire locale et ceux de la religion, etc. Bref, le site est un tissu de personnes aux profils très variés, tout autant issu de la population locale que d'autres pays.