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Oscillations du sommet de la tour Eiffel


Bien qu'elle soit en métal, la tour Eiffel oscille sur sa base, mais bien sûr ce n'est que le sommet qui en subit les conséquences, il se déplace légèrement dans un sens ou un autre. Il peut y avoir plusieurs causes à ce phénomène, mais seuls deux ont une importance : La température, qui dilate le métal, et le vent, qui offre un effort horizontal. Les autre causes sont parfaitement négligeables : différence de pressions atmosphériques, efforts dûs aux vents verticaux, perturbations dûs aux visiteurs de la tour, qui se masseraient tous sur un côté, etc. Tout ça ne compte en rien dans le déplacement du sommet de la tour Eiffel. Par contre, la température et le vent, oui.

Autant le dire tout de suite, le plus grand écart jamais constaté du sommet s'est produit lors de la tempête de 1999, tempête durant laquelle l'oscillation a été de 13 cm. Usuellement, on est plutôt entre 4 et 8 cm, comme indiqué dans les relevés faits ci-dessous.


Méthodes de mesure

Dès les premières années après la construction de la tour Gustave Eiffel a fait mesurer les mouvements du sommet, mais on peut se demander comment il s'y est prit, puisqu'à l'époque il ne disposait pas des outils technollogiques qui existent de nos jours. En fait, il a utilisé deux méthodes. La première a consisté à mettre une mire en surplomb du sommet et une lunette au niveau du sol, parfaitement calée sur le centre de la mire. Avec le temps il a constaté un déplacement de la mire, la lunette, elle, restant parfaitement fixe. C'est une méthode intéressante et parfaitement fiable, mais qui nécessite une grande régularité dans les observations. C'est ainsi qu'on fait la différence entre les mouvements dû à la température et ceux dûs au vent, il suffit de connaître la météo pour en déduire le type de mouvement que l'on observe.

L'autre méthode est plus complexe, elle a été mise en oeuvre par des militaires, elle consiste à relever la position du sommet de la tour par mesures géodésiques. Cette méthode, dont les résultats sont donnés ci-dessous, est tout aussi fiable car elle a été faite avec une grande précision.


Positionnement de la mire

Pour mesurer ces déplacements, on a installé en saillie sur la terrasse de la troisième plate-forme et sur l'angle côte Est, une mire en tôle vernie dont la face inférieure regardant le pilier Est portait des anneaux concentriques de 20 mm de largeur, alternativement rouges et blancs. Le nombre de ces anneaux était de 10 et leur diamètre extrême de 0,40 m. Ces anneaux étaient numérotés et étaient divisés en secteurs par les huit divisions du quadrant.

Cette mire convenablement orientée était observée à l'aide d'un théodolite fixé sur un solide massif de maçonnerie établi à la base du pilier Est. Il avait été réglé une fois pour toutes par un temps calme, sans soleil et à une température d'environ 10°, de telle sorte que le croisement des fils du réticule coïncidât avec le centre de la mire. Quand un déplacement se produisait, le centre des réticules venait se projeter sur l'un des cercles ou entre deux cercles concentriques; on en lisait le numéro et on notait la position sur le secteur correspondant, laquelle était immédiatement rapportée, aussi approximativement que possible, sur un diagramme en papier représentant la mire à l'échelle réduite.

De 1893 à 1895, pour noter les déplacements dus à la température, on a fait d'une manière à peu près régulière trois observations par jour : à 7 heures du matin, à midi et à 7 heures du soir. On a fait en outre, accidentellement, quelques observations supplémentaires, quand il se présentait de fortes températures. Pendant cette même période, et toutes les fois que des coups de vent se produisaient, on observait les déplacements avec une grande lunette de 2,50 m de distance focale, et on reproduisait sur le papier, aussi exactement que possible, les dimensions et la position de la courbe en forme d'ellipse , parcourue sur la mire par le croisement des fils du réticule.

Cette série d'observations a donné lieu à un grand nombre de diagrammes dont nous nous bornerons à examiner quelques-uns.


Oscillations dûes au vent

Les diagrammes qui les indiquent sont de beaucoup les moins nombreux, d'abord parce que les coups de vent, qui seuls agissent sur la Tour d'une façon sensible, sont assez rares, puis parce qu'ils se produisent le plus souvent pendant les heures de nuit auxquelles aucune observation n'a été faite. Même pendant le jour, la mire est souvent masquée par la pluie qui accompagne, assez habituellement, les grands vents.

On a pu cependant, à plusieurs reprises, constater que sous l'effet du vent le sommet décrit à peu près une ellipse dont le centre varie avec la position du sommet â ce moment (position due aux circonstances de température, ainsi qu'il sera indiqué plus loin) et dont le grand axe est en rapport avec la vitesse du vent.

Ainsi le 20 décembre 1893 (Voir fig. 223) entre 11 heures et midi, l'un des jours pendant lesquels le déplacement a été maximum, le grand axe de cette ellipse était de 0,10 m et son petit axe de 0,06 m. La direction du vent était Sud et le maximum moyen a été de 31,8 m ; mais la vitesse réelle donnée par l'appareil à indications instantanées a été beaucoup plus grande et a atteint 44 m. Il est remarquable qu'à cette vitesse maxima, qui a eu lieu à 11h25, l'ellipse correspondante avait un grand axe de 0,06 m seulement. Les énormes à-coups qui se produisaient à ce moment avaient ainsi un moindre effet de déplacement que ceux dus à un vent plus continu.

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Dans le grand coup de vent du 12 novembre 1894, l'observation a été faite de 3 à 4 heures. La vitesse moyenne a varié à ce moment de 27,6 m à 30 m avec une vitesse maximale absolue de 42,50 m (Voir fig. 224). Le grand axe de l'ellipse a été de 0,08 à 0,06 m, le petit axe de 0,04 m. On a aussi constaté comme précédemment que c'était sous les grands à-coups, que le déplacement était le moindre ; il n'atteignait que 0,05 m. Le fort de la tempête a eu lieu à 6h12 (vitesse moyenne maximale 42 m), mais à ce moment le déplacement n'a pas été mesuré, non plus que la vitesse absolue qui est peut-être allée jusqu'à 50 m.

Le déplacement de 0,10 m est le maximum observé. Sous les vents violents ordinaires, le déplacement n'est guère que de 0,06 à 0,07 m.

Il est très inférieur à celui que le calcul faisait prévoir. 11 y a donc presque certitude que les prévisions faites pour faction du vent sont très supérieures à la réalité. Nous l'avons déjà constaté pour l'élévation de la pression par mètre carré. Il est probable qu'il en est de même pour l'évaluation des surfaces exposées au vent.


Oscillations dûes à la température

Nous avons dit que la position originelle du théodolite avait été fixée en choisissant une journée sans vent, un temps couvert et une température uniforme de 10°, puis en faisant coïncider le zéro de la mire avec le centre du réticule.

Les mêmes circonstances se sont reproduites le 26 décembre 1893 et pendant toute la journée la Tour est demeurée stationnaire, ce centre correspondant au zéro de la mire.

Par d'autres temps couverts, mais avec une température plus élevée (15 à 18°), les observations combinées des 6 et 7 juin 1893 ont donné des déplacements très faibles; la mire s'est déplacée le matin par rapport au centre du réticule de 0,04 m dans la direction Ouest et est revenue le soir dans la même position, en se déplaçant extrêmement peu à midi.

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Mais quand la chaleur solaire agit sur la Tour, par les jours de beau temps, les déplacements prennent une grande amplitude. Nous prendrons comme exemple les observations combinées des 15 et t6 août 1894, que nous représenterons par le graphique ci-dessus (fig. 225), dans lequel le déplacement de la mire par rapport au réticule fixe est représenté à l'échelle du quart. A 5 heures du matin, le centre de la mire est placé sur la ligne Ouest à 4 cm du centre ; il reste sur cette ligne jusqu'à 8 heures en atteignant 13 cm. Il s'en éloigne du côté Nord en atteignant 15 cm. Il se rapproche alors du centre, dans le secteur Nord-Ouest, au fur et à mesure de la marche du soleil, qu'il semble fuir. A 3 heures, il est dans la ligne Nord à une distance de 7 cm. Le mouvement de rapprochement continue dans le quadrant Nord-Est; à partir de 5 heures et à une distance de 6 cm, le réticule revient franchement au centre qu'il doit occuper vers 8 heures du soir; la course totale est d'environ 24 cm, parallèlement à l'axe Est-Ouest et de 10 cm par rapport à Taxe Nord-Sud. La Tour semble donc en quelque sorte fuir devant le soleil et s'incliner dans le quadrant Nord-Ouest, ce qui est naturel, puisque les arêtes regardant le soleil sont les plus échauffées, et en se dilatant davantage portent le sommet de la Tour du côté opposé.

Les courbes sont assez souvent plus simples ; telle est celle du 17 mai 1894, qui est comprise tout entière dans le quadrant Nord-Ouest (Voir fîg. 225) et dont l'amplitude est de 12 cm. On peut la considérer comme une courbe moyenne par beau temps.

Quand, par une belle journée, le soleil se voile avec des alternatives, ces courbes deviennent bien moins régulières; les mouvements d'allongement et de torsion de la Tour suivent ces alternatives d'une façon très sensible et les rapprochements ou les éloignements du centre coïncident avec les refroidissements ou les échauffements dus à l'action solaire. En résumé, on peut dire que le sommet marqué par la tige du paratonnerre est â peu près constamment en mouvement ; ce mouvement est surtout accentué pendant le milieu de la journée, et ce n'est que vers les heures du lever et du coucher du soleil qu'il possède une fixité relative; au milieu de la nuit seulement, il doit être tout à fait immobile.

Ce déplacement du sommet rend extrêmement difficile de s'assurer de la parfaite verticalité de la Tour. Cependant, en mai 1893, M. Muret, géomètre de la Ville de Paris, a procédé avec le plus grand soin à cette opération. Il n'a trouvé qu'un écart tout à fait insignifiant qu'il attribue lui-même à un effet de température.


Repérage du sommet par des méthodes géodésiques

M. le Général Bassot, directeur du Service géographique au Ministère de la Guerre, a procédé, sur la demande de la Commission de surveillance de la Tour, présidée par M. Mascart, à des mesures géodésiques extrêmement précises, ayant pour but de faire un repérage exact du sommet, afin de pouvoir vérifier ultérieurement l'existence d'un déplacement. Ces travaux ont fait l'objet d'une communication à l'Académie des Sciences (6 décembre 1897), dont nous reproduisons des extraits ci-dessous.

En avril 1800, la Commission de surveillance de la Tour Eiffel, présidée par notre confrère M. Mascart, demanda au Service géographique de l'Armée de faire procéder au repérage du sommet de la Tour et de vérifier par des observations périodiques si ce sommet subit quelque déplacement. La solution de ce problème a conduit à des résultats assez curieux et qui me paraissent dignes d'être signalés à l'Académie.

Il est évident tout d'abord qu'en présence d'une masse métallique aussi considérable, soumise aux effets des agents atmosphériques et en particulier de la chaleur solaire, il fallait s'attendre à voir le sommet de la Tour constamment en mouvement; les dilatations inégales des arêtiers, inégalement exposés aux influences solaires aux différentes heures de la journée, doivent produire, en effet, une sorte de torsion de ce sommet, phénomène analogue a celui que l'on a déjà remarqué sur les pylônes en bois, servant de signaux géodésiques. Mais quelle est l'amplitude de l'oscillation et comment la déterminer ?

Le procédé que nous avons employé est le suivant :

On a d'abord fondé un repère invariable sur le sol, près du pied de la verticale du paratonnerre, puis on a choisi trois stations extérieures à la Tour, desquelles on puisse viser, au moyen de lunettes décrivant un plan vertical, successivement le repère et le paratonnerre. En chaque station on a installé un cercle méridien portatif, de telle manière que le champ de la lunette comprit le repère et le paratonnerre. Avec des instruments bien réglés, on pouvait ainsi, au moyen de la vis micrométrique de l'oculaire, mesurer avec une haute précision, en chaque station, l'angle existant entre les deux plans de visée.

Au préalable, pour avoir tous les élémenls nécessaires aux calculs de réduction, on a mesuré une petite base, relié les stations au repère à l'aide d'une triangulation, pris les distances zénithales; enfin on a orienté une des directions par l'observation du Soleil.

Aux trois stations, les observations étaient simultanées et rythmées ; en chacune d'elles, on pointait, à heures convenues, le paratonnerre, puis le repère, puis le paratonnerre, et ainsi de suite, chaque série comprenant quatre pointés sur le paratonnerre et trois sur le repère; les séries étaient espacées de demi-heure en demi-heure. Les mesures ainsi faites ont été traduites sur un schéma à échelle nature et rapportées au repère fixe. L'intersection deux à deux des plans passant par le paratonnerre donne finalement pour chaque série un petit chapeau, dont le centre de gravité fournit la position du paratonnerre au moment de l'observation.

Remarquons en passant que la grandeur du chapeau permet d'évaluer l'erreur d'observation; il résulte de nos opérations que chaque position du paratonnerre est déterminée avec une erreur moyenne de ± 3mm seulement. C'est grace ùà cette précision que nous avons pu étudier avec certitude le mouvement du sommet de la Tour, qui est en réalité très faible, et mettre en évidence son oscillation périodique. Pour chaque journée d'observation, on a finalement un dessin figuratif donnant de demi-heure en demi-heure le pied de la verticale du paratonnerre, et chaque position du sommet de la Tour se trouve définie par sa distance horizontale au repère fixe et par l'azimut vrai de la ligne joignant sa projection au repère.

En réunissant par une courbe les positions successives du paratonnerre, on fait ressortir le mouvement progressif de la Tour pendant la durée des observations.

Les expériences ont élé faites en août 1896, en mai et en août 1897. Il eût été désirable, en principe, de n'observer que par temps calme et couvert pour obtenir le minimum de déviation de l'axe de la Tour et en conclure son repérage avec plus de certitude. Mais cette condition était difficile à réaliser, nos postes d'observation n'ayant pas été organisés en observatoires permanents; il eut fallu d'ailleurs immobiliser pendant trop longtemps le personnel assez nombreux, nécessaire au travail, qui avait à satisfaire à d'autres nécessités impérieuses de service. En réalité, nous avons fait les observations un certain nombre de jours, quelque temps qu'il fit, et les résultais que nous avons trouvés démontrent qu'il n'est pas indispensable d'avoir un ciel couvert pour l'étude dont il s'agit.

Les 21 mai et 23 août derniers, nous avons pu faire les expériences d'une manière presque continue depuis le matin jusqu'au soir. Nous en donnons les résultats ci-après, à titre d'exemple.

De l'examen des courbes de ces deux journées, il ressort que le sommet de la Tour a des mouvements plus rapides et que les variations en distance et en azimut sont plus considérables le matin que dans l'après-midi.

Les courbes du 21 mai (fig. 226) et du 23 août (fig. 227) affectent une forme qui se rapproche assez d'un 8 non fermé. Évidemment la courbe des 21 heures doit être plus complexe, et cela se conçoit : vers la fin de la nuit, le paratonnerre doit avoir de faibles mouvements; dès que la chaleur solaire se fait sentir, les mouvements deviennent rapides; on voit le paratonnerre se rapprocher du repère, puis s'en éloigner ; dans l'après-midi, quand l'effet total de la chaleur s'est produit, il y a un moment d'équilibre où les mouvements sont faibles : la nuit venue, avec le premier refroidissement nocturne, les mouvements doivent encore une fois être rapides, puis redevenir faibles quand arrive l'équilibre nocturne.

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D'autres observations ont été faites en août 1896 et en mai 1897; maia celles-ci ne comportent que quelques mesures faites le matin et le soir ; elles n'ont pas, par conséquent, la continuité des journées précédentes. Elles confirment néanmoins les conlcusions que nous venons d'énoncer sur une plus grande rapidité des mouvements du sommet de la Tour dans la matinée, et sur sa fixité relalive dans les heures du soir.

En condensant sur un même schéma toutes les courbes du matin, puis, sur un autre, toutes les courbes du soir, on a les figures ci-dessous 328 et 329.

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Les remarques qui précèdent conduisent à cette conclusion que, pour vérifier par des observations périodiques si le sommet de la Tour Eiffel subit quelque déplacement, il suffit de faire les observations pendant la période diurne où les mouvements sont les plus faibles, c'est-a-dire le soir, pendant les deux ou trois heures qui précèdent le coucher du soleil. On n'obtiendra évidemment qu'une valeur approchée de la position absolue du paratonnerre par rapport au repère fixe, mais ce renseignement suffira pour déceler un déplacement important de la Tour, s'il s'est produit dans l'intervalle des époques d'observation.

Parlant de ce principe, nous avons reconnu que le sommet de la Tour n'a subit aucun déplacement appréciable entre le mois d'août 1896 et le mois d'août 1897 : sa projection se trouve, le soir, a 9 cm environ du repère fixe du sol, dans le quadrant Sud-Est, sous un azimut moyen de 43° par rapport au Sud.

Nous avons reconnu également, par l'ensemble de nos observations, que la distance entre la projection du paratonnerre et le repère fixe n'a oscillé qu'entre des limites très faibles, de 3,7 cm a 11 cm, mais que les variations en azimut de la ligne qui joint ces deux points s'étendent sur plus d'un quadrant. La torsion diurne du sommet de la Tour est donc très nettement mise en évidence.

Si on voulait se servir de la Tour comme d'un signal géodésique et y faire un tour d'horizon, il serait par suite nécessaire d'adopter, comme sur les pylônes en bois, une méthode particulière d'observation pour éliminer l'erreur provenant de cette torsion.



Voir aussi :

Applications scientifiques de la tour Eiffel

Tous les phénomènes naturels sur la tour Eiffel


La tour Eiffel



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