Le texte du poème
Dans le socle de la Statue de la Liberté le visiteur peut lire quelques vers, écrits en anglais bien sûr. Il s'agit du poème "The New Colossus", d'Emma Lazarus. Cette plaque a été ajouté en 1903 sur le socle, elle n'était donc pas là à l'inauguration.
Le Nouveau Colosse
Pas comme ce géant d’airain de la renommée grecque
Dont le talon conquérant enjambait les mers
Ici, aux portes du soleil couchant, battues par les flots se tiendra
Une femme puissante avec une torche, dont la flamme
Est l’éclair emprisonné, et son nom est
Mère des Exilés. Son flambeau
Rougeoie la bienvenue au monde entier ; son doux regard couvre
Le port relié par des ponts suspendus qui encadre les cités jumelles.
"Garde, Vieux Monde, tes fastes d’un autre âge !" proclame-t-elle
De ses lèvres closes. "Donne-moi tes pauvres, tes exténués,
Tes masses innombrables aspirant à vivre libres,
Le rebus de tes rivages surpeuplés,
Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte
Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d’or !"
Commentaires
Ce poème, d'une grande force, commence par prendre de la distance avec son illustre prédécesseur, le colosse de Rhodes. C'est assez étonnant, vu la fierté légitime que l'on pourrait trouver à une telle comparaison. Mais ce rejet consiste essentiellement à mettre en avant la différence de position : Le colosse de Rhodes est invariablement représenté en marcheur, ou du moins les jambes écartées, alors que la statue de la liberté a une position figée, bien droite. Elle ne bouge pas, les seuls mouvements sont ceux de son vêtement.
The New Colossus
L'éclair emprisonné fait référence à la lumière de la torche. Aujourd'hui symbolique, elle était réelle du temps d'Emma Lazarus puisqu'au début de la vie de la statue elle faisait office de phare, avec un vrai gardien, pour orienter les bateaux sur le port de New-York. Il parait que la luminosité du phare se voyait à 39Kms à la ronde. Cette fonction disparut en 1916.
La mention "Mère des exilés" est à rapprocher de la fin du poème où Emma Lazarus met en avant la masse des foules de pauvres venant aux Etats-Unis chercher une vie meilleure. Elle force le trait pour magnifier la statue en rabaissant les hommes qui espèrent en elle. Il y a une mention à la liberté dans le poème, c'est la seule. ("...aspirant à vivre libre"...) C'est le signe que la statue, pour l'auteur, a moins d'importance en tant que symbole de la liberté qu'en tant que but pour les émigrants. Il y a peut-être derrière ces quelques vers une portée politique assez visible. En effet, au début du XXe siècle les Etats-Unis étaient un grand pays d'immigration, les populations européennes se rendaient en masse sur place, et pas seulement, comme le dit Emma Lazarus, les pauvres, les déshérités.
Enfin il y a un autre élément à prendre en compte dans ce poème, c'est la magnificence de New-York, qui est vu comme une cité jumelle reliée par des ponts suspendus (depuis peu construits), symbole du génie américain. La lumière au-dessus de la porte d'or est un rappel final de la grandeur du pays d'accueil des migrants. Là aussi le but du poème est d'assoir la grandeur des Etats-Unis. Une bien belle mission... qui aurait plus de poids si la statue avait été américaine...
Voir aussi : Biographie d'Emma Lazarus