Augustin Cauchy
Biographie
Augustin Cauchy est l'un des 72 savants dont le nom est inscrit sur le premier étage de la tour Eiffel. Il est le 1er, sur la face tournée vers le Sud.
Augustin-Louis Cauchy, mathématicien, est né à Paris le 21 août 1779. Il est mort dans la même ville en 1857. Reçu à l'âge de quinze ans à l'Ecole polytechnique, le second, en 1804 (à cette époque il n'y avait pas de limites d'âge), il entra à sa sortie à l'Ecole des ponts et chaussées et dans le corps des ingénieurs. Mais il abandonna bientôt l'exercice de son emploi pour se livrer à l'enseignement et à l'étude des mathématiques. En 1816, il fut élu à l'Académie des sciences, ayant un peu plus de vingt-cinq ans, et fut nommé en même temps professeur de mécanique à l'Ecole polytechnique. Ayant perdu cette dernière situation, pour cause de refus de serment, après la Révolution de 1830, il se rendit à Prague en 1832, pour y diriger l'éducation scientifique du jeune duc de Bordeaux, destiné à garder dans l'histoire les noms de comte de Chambord et d'Henri V, sans avoir régné. En 1838, il revint à Paris et fut appelé â faire partie du Bureau des longitudes. Louis-Philippe ne voulut pas ratifier cette nomination. La République de 1848, qui fut le plus large, le plus généreux et le plus tolérant de tous les gouvernements que nous ayons eus en France depuis 1789, répara cette injustice en plaçant Cauchy dans la chaire d'astronomie mathématique de la Faculté des sciences de Paris, bien qu'il fût un légitimiste déclaré dans la vie privée.
L'algèbre et la mécanique sont redevables à Cauchy de nombreux perfectionnements. D'une grande fécondité, ce savant original et profond a publié plus de cinq cents mémoires dans la collection de l'Institut. Notons parmi les plus célèbres ceux dont les titres suivent : Méthode pour déterminer à priori le nombre des racines réelles (1813); — Théorie des ondes (1815); — Application du calcul des résidus à la solution des problèmes de physique mathématique (1827); — Sur la dispersion de la lumière (1834); — Développement des fonctions en séries ordonnées suivant les puissances ascendantes des variables (1846). Il a réuni en deux volumes ses leçons très remarquables sur les Applications du calcul infinitésimal à la géométrie.
Cauchy a été un esprit tout à fait éminent. Analyste, penseur, mathématicien, praticien, chef d'école, professeur, écrivain, il a laissé des traces profondes dans la science, et bien qu'il y ait à reprendre dans quelques-unes de ses idées trop spiritualistes peut-être, ses doctrines sont restées vivantes et fécondes pour la plupart. Elles dominent dans l'enseignement et à l'Ecole polytechnique, où le fils de l'illustre chimiste Auguste Laurent, M. H. Laurent, répétiteur et examinateur dans ce grand établissement, veille et insiste constamment avec raison sur le maintien de leur vulgarisation. Affable et bienveillant, facile à aborder, il ne put jamais cependant laisser la parole à aucun visiteur. Si on l'intéressait, il prenait la plume pour rechercher à sa manière les problèmes et les vérités qu'on lui apportait; il gardait la parole, car écouter fut toujours pour lui une chose impossible, tellement son cerveau débordait de pensées sans nombre. Travailleur infatigable, Cauchy a présenté à l'Académie des sciences vingt fois plus de rapports que tous ses collègues réunis, à temps égal. Il avait été un enfant extraordinaire. On peut le comparer à Pascal pour la précocité dans des travaux où, de coutume, il faut le complet développement, même la virilité de l'intelligence. Ses premières années s'étaient passées dans sa famille, et il fut l'ouvrage de son père, homme très distingué, qui voulut rester pendant longtemps l'unique professeur de ses quatre fils. Passionnément épris des choses de l'intelligence, il leur avait inspiré un véritable amour de l'étude. Le goût et les aptitudes mathématiques d'Augustin Cauchy se révélèrent de bonne heure, comme le témoignent ses cahiers, dans lesquels ses travaux littéraires sont fréquemment interrompus par des calculs ou des figures géométriques.
Ses dispositions étaient si remarquables qu'elles attirèrent l'attention de Laplaceet de Lagrange, qui le voyaient souvent étudier dans le cabinet de son père, alors secrétaire général du Sénat. Un jour que le second de ces deux savants se trouvait présent en même temps que Lacépède, il dit tout d'un coup : "Regardez ce petit jeune homme; eh bien, il nous remplacera tous comme géomètre."
Augustin Cauchy avait alors à peine douze ans. Aussi Lagrange craignait beaucoup qu'on n'abusât de ces dispositions surprenantes, et il insistait pour qu'on lui donnât avant tout une solide instruction littéraire "Si vous n'y tenez pas fermement la main, disait-il à son père, son instinct l'entraînera ; il sera un grand mathématicien, mais il ne saura pas même écrire sa langue."
Les goûts personnels de M. Cauchy père étaient trop bien d'accord avec ces sages conseils pour qu'il ne s'y rendit pas volontiers. Aussi, après avoir fait faire à son fils les études élémentaires sous sa direction immédiate, il l'envoya à l'Ecole centrale du Panthéon. Augustin Cauchy appliqua toujours avec ardeur aux études littéraires les facultés si vives de son intelligence. En 1804, quelques semaines avant d'être reçu à l'Ecole polytechnique, il terminait ses études classiques en remportant le grand prix d'humanité à la première distribution du Concours général.
Les œuvres d'Augustin Cauchy ont été publiées en vingt-six forts volumes par la maison Gauthier-Villars et fils, sous la direction scientifique de l'Académie des Sciences, à laquelle il avait appartenu pendant de longues années, et sous les auspices du ministère de l'instruction publique. Une étude très remarquable a été écrite sur sa vie et ses découvertes par M. C A. Valson, ancien professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble, doyen de la Faculté des Sciences à l'Université catholique de Lyon. De plus, l'académicien Babinet, de savante et spirituelle mémoire, a porté sur Cauchy, dans la Revue des Deux-Mondes, le jugement suivant que la postérité a ratifié : "Les sciences mathématiques ont fait une grande perte en 1857. La mort a frappé l'illustre Cauchy, qui avait embrassé dans ses travaux toutes les parties des mathématiques, en conservant à chacune d'elles une supériorité incontestable. Il avait le sentiment des abstractions analytiques, comme les abeilles ont l'instinct de la construction et de l'approvisionnement des ruches. J'ai souvent eu avec lui d'interminables conversations d'où je sortais de plus en plus émerveillé de la haute portée de son génie. Je lui avais parlé du calcul des perturbations des planètes dont les révolutions sont pour la durée dans des rapports simples, comme, par exemple, les planètes Isis ou Hébé, qui mettent deux fois plus de temps que Mars a faire le tour du Soleil, ou encore la planète Daphné, qui fait trois révolutions contre une que fait Jupiter. La question, au dire de tous, est très ardue, mais si elle avait dû être tranchée par quelqu'un, elle l'eût été par Cauchy. La France perd en lui l'auteur de travaux de premier ordre, et, de plus, ceux qu'il eût encore exécutés. Cauchy assurait à la France le premier rang parmi les mathématiciens, et la dignité du caractère rivalisait chez lui avec la profondeur des méditations. Ainsi que Fontenelle l'a dit de Leibniz, il y avait en lui l'étoffe de " plusieurs savants."
Une des rues de Paris, sur la rive gauche de la Seine, a reçu son nom. Le portrait qui le représente a été dessiné sur nature, en 1851. Il avait alors 65 ans. Il a été communqué par son neveu M. R. Cauchy, conseiller à la Cour des comptes, fils du frère cadet d'Augustin Cauchy, Eugène Cauchy, décédé en 1877, membre de l'Académie des Sciences morales et politiques.
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