Michel Chevreul
Biographie
Michel Cheuvrel est l'un des 72 savants dont le nom est inscrit sur le premier étage de la tour Eiffel. Il est le 14e, sur la face tournée vers le Nord.
Michel-Eugène Chevreul, chimiste, est né à Angers, le 31 août 1786. Il est mort à Paris, au Jardin des Plantes, le mardi 9 avril 1889, à une heure du matin, "s'éteignant doucement comme une lampe où il n'y a plus d'huile", selon l'expression d'un témoin de ses derniers moments, ayant vécu cent deux ans sept mois et huit jours. Il était le doyen des savants du monde entier.
Le père de Chevreul était un médecin distingué, qui lui inspira le goût de la science et l'envoya de bonne heure dans la capitale, où, mis en rapport avec Vauquelin, il fut pris par lui comme préparateur, bien que le nouveau venu eût à peine seize ans. Mais Chevreul, qui devait vivre de si longues années, fut très précoce en tout. Sous le Consulat, sa notoriété scientifique le désignait déjà à l'attention de Bonaparte, qui le chargea de plusieurs rapports scientifiques, et qui, plus tard, en 1813, le nomma officier de l'Université et professeur de chimie au lycée Charlemagne. A cette époque du blocus continental, il était attaché au laboratoire du Muséum d'histoire naturelle; c'est là qu'il connut Michel Faraday, qui accompagnait Humphry Davy; ils avaient obtenu tous les deux, de Napoléon toujours empressé de complaire aux savants, l'autorisation de passer par la France fermée aux étrangers, pour se rendre en Italie. Ces deux grands hommes avaient assisté à quelques-unes de ses premières expériences et lui avaient prédit qu'il irait loin. Chevreul aimait à rappeler ces souvenirs ainsi que les événements tragiques qu'il avait vu se dérouler sous ses yeux pendant la Révolution française. C'est ainsi qu'à l'âge de huit ans, sur la Grand'Place d'Angers, il avait été le témoin de plusieurs exécutions sur l'échafaud. Il avait gardé de cette impression sinistre une horreur invincible contre la peine de mort. Il ne manquait jamais de proclamer ses sentiments à cet égard, chaque fois qu'il en trouvait l'occasion.
Chevreul croyait à la perfectibilité indéfinie, morale et physique de l'homme et à la puissance illimitée de la science. La Tour Eiffel qui représente tant de notions acquises, était à ses yeux comme la synthèse vivante de tous les faits accumulés dans la théorie et la pratique, depuis un grand nombre de siècles. Il aimait dans les derniers temps de sa vie à visiter le Champ de Mars pour constater l'avancement des travaux de l'Exposition de 1889. Huit jours avant sa mort, il se fit amener encore une fois au Trocadéro, dans une voiture fermée. Quand on lui montra la Tour Eiffel, au sommet de laquelle flottait le drapeau tricolore, un sourire de joie illumina sa figure et il battit des mains pour applaudir à cet événement.
Chevreul a publié plus de 650 mémoires, communications, livres, brochures. Son premier travail est intitulé : Examen chimique des os fossiles trouvés dans le département d'Eure-et-Loir. Il a été imprimé en 1809 dans les Annales de chimie. Il avait alors vingt ans, tout juste. Ses belles recherches sur les corps gras d'origine animale l'amenèrent à explorer toutes les régions inconnues de la chimie organique et biologique. Cette admirable étude le conduisit à la découverte des bougies stéariques (1828-1831) qui ont introduit toute une révolution dans l'éclairage domestique et qui ont enrichi des milliers de personnes, sans que jamais il n'eût pensé à tirer de cette découverte, qui s'est répandue dans tout l'univers, que le prix de 12 000 francs qui lui fut décerné par l'Institut.
Nommé directeur des teintures à la Manufacture des Gobelins, il se consacra à l'étude des couleurs, de leurs applications aux arts industriels, à l'assortiment des objets colorés. Il a établi la loi du contraste chromatique simultané et expliqué les phénomènes dus au mélange et à la juxtaposition des couleurs. Il a prouvé d'une manière rigoureuse qu'on parvient à imiter un objet coloré en le peignant autrement qu'on le voit. L'esprit d'investigation de Chevreul s'est étendu sur une foule de découvertes admirables au point de vue scientifique, très précieuses à cause des applications pratiques qu'elles comportent. Les progrès de l'agronomie, de la physique, de la médecine, lui sont redevables des plus utiles applications, ainsi que la plupart des branches de l'industrie. La fabrication des savons, par exemple, n'est devenue importante que depuis ses recherches sur la saponification des corps gras par la soude, la potasse et la baryte. Doué d'un esprit philosophique profond, Chevreul a laissé des écrits élevés, notamment un livre sur la Méthode à posteriori qui peut être mis sur le même rang que la Préface de d'Alembert, placée en tête de l'Encyclopédie de Diderot, que le Discours de réception à l'Académie française de Buibon, la Philosophie chimique de J. B. Dumas, l'introduction à l'étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard.
Chevreul était entré à l'Académie des Sciences en 1826; presque jusqu'au dernier moment, il fut présent à toutes les séances. La dernière fois qu'il y vint, ce fut le 22 mai 1888. Il n'en manqua pas une pendant 63 ans ! En 1830, il fut nommé au Muséum d'histoire naturelle, comme successeur de Vauquelin, dans la chaire de chimie.
Chevreul attribuait sa longévité extraordinaire à son goût pour le travail, à sa sobriété et à ses principes culinaires. "La cuisine doit être scientifique, disait-il, et non point artistique. De plus il faut faire subir une forte cuisson à tous les aliments. Voilà le secret pour éviter les maladies et retarder la mort.". Ajoutons que c'était un buveur d'eau.
La statue de ce grand savant a été faite et érigée solennellement de son vivant dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle, à Paris, à l'occasion de son centenaire, le 31 août 1885. Son nom a été donné à une des rues de Paris sur la rive droite de la Seine.
Le portrait qui le représente ici a été photographié par Jacques Barral, d'après nature, à la date même où il accomplissait la dernière journée de sa centième année.
Voir aussi :