Le Taj Mahal est sans doute le monument le plus célèbre de l'Inde. Chaque année, des milliers de touristes viennent visiter ce tombeau de marbre blanc situé dans un spectaculaire jardin. Le Taj est une source d’attrait pour les touristes pour diverses raisons : il est un des plus grands monuments du monde, l'un de ses sept nouvelles Merveilles, il est associé à l’amour éternel et est l'un des plus grands atouts de l'Inde. Peu sont ceux qui, après avoir découvert la tombe et son jardin, sont restés de marbre. Et c’est justement de marbre qu’est fait le mausolée, de marbre blanc qui prend, en fonction de l’heure du jour et de la saison, des couleurs différentes, ce qui le rend tout simple encore plus beau.
Les informations ci-dessous expliquent le contexte historique dans lequel fut créé le Taj Mahal.
Les mausolées de l'art moghol
Selon la tradition timouride les moghols étaient de grands mécènes des arts, que ce soit pour la peinture, l'architecture ou des arts plus luxueux comme la sculpture de jade, la production textile, de bijoux, d’objets métalliques, d’attirails militaires, etc. Les autres dynasties musulmanes contemporaines de cette période, les Ottomans de Turquie et les Safavides d'Iran se sont également engagés dans des productions similaires car leurs productions, achetées par l’élite de leurs peuples, permettaient d’assoir la supériorité de leur empire par rapport aux autres. Mais les Moghols, plus que toute autre civilisation islamique, s’engagèrent dans la construction de tombeaux, en particulier au cours de la fin du XVIe et début XVIIe, une l’époque de la construction du Taj Mahal. La construction de tombeaux était une pratique courante dans tout le sous-continent indien depuis le Xe siècle dans ce qui est aujourd'hui le Pakistan, un endroit où les musulmans avaient assumé l'autorité politique depuis le huitième siècle. Les dirigeants de ces régions se sont établis dans le nord de l'Inde centrale du début du XIIIe siècle, ils ont donc importés cette tradition de construire des mausolées pour leurs dirigeants et leurs élites. Puis les Moghols se sont appropriés une grande partie du territoire Nord-Indien, du coup le nombre croissant de l'élite a nécessité la construction d’énormément de mausolées, que ce soit pour des dirigeants issus de l’armée ou de l'administration.
Cette multiplication des mausolées dans l’Inde du Nord a été favorisée également par l’exception à une règle qui voulait qu’à la mort d’un propriétaire foncier le terrain devait être remis dans son état naturel. Cette règle ne s’appliqua pas si le terrain en question possédait un mausolée, du coup la multiplication des mausolées fut physiquement visible, puisqu’il n’était jamais démoli.
Le mausolée d'Humâyûn
Le premier projet de tombeau d’envergure fut celui d’Humâyûn, le père d’Akbar. Bâti à Delhi, à proximité du sanctuaire d'un saint musulman important, Nizamuddin Auliya, il est aujourd'hui connu sous le nom de Purana Qila. Le tombeau de Humâyûn a été achevé en 1571. Il fut conçu par Boukhara père et fils qui définirent une architecture à la fois urbaine et naturelle. Cette grande structure en forme de dôme est un octogone Baghdadi, qui est un octogone avec quatre côtés alternants les côtés longs et courts. Il se trouve sur une haute terrasse au milieu d'un jardin. D’un point de vue général la conception du jardin appartient à la tradition timouride. L'intérieur aussi d’ailleurs, il est constitué d'une chambre centrale entourée de huit salles plus petites dans un plan connu sous le nom hasht Bihisht ou ces huit salles représentent les huit paradis d’inspiration timurides. Il est construit en grès rouge et orné de garnitures en marbre blanc, le tout dans la tradition du Nord de l’Inde. Placer la tombe dans un jardin est probablement une innovation Moghol. Le jardin peut être vu soit comme un paradis terrestre, soit comme un symbole de contrôle politique. Conformément à la tradition timouride, le tombeau de Humâyûn a probablement été conçu comme un tombeau dynastique car même si aucun autre empereur n’est enterré là, ce fut le cas pour un certain nombre de membres de l'élite royale.
Le Sikandra
Lorsqu’Akbar est mort en 1605, Jahângîr a commencé son complexe funéraire à la périphérie de Agra, aujourd'hui connu sous le nom de Sikandra. Comme le tombeau de Humâyûn et plus tard, le Taj Mahal, le tombeau d'Akbar est également situé dans complexe formé d’un jardin clos avec des voies navigables qui divisent le complexe en quatre unités principales. Le tombeau, ainsi que celui construit pour Jahângîr à Lahore plus tard, n'a pas de dôme, mais sa terrasse supérieure est laissée ouverte, conformément à un passage lisible en tant qu’inscription de la tombe: « Que l'âme [Akbar] brille comme les rayons du Soleil et de la Lune dans la lumière de Dieu ». Un élément en commun avec le Taj Mahal est la crypte souterraine accessible où le défunt est enterré.
En effet dans la tradition musulmane les morts doivent être enterrés dans la terre. Les cénotaphes que l’on trouve dans les étages sont des copies parfaites, parait-il, des tombes du sous-sol. Toutes les tombes impériales ont, sur la porte d’entrée du complexe, des inscriptions et le tombeau d'Akbar ne fait pas exception. Il y a deux caractéristiques de sa grille qui réapparaissent sur Taj Mahal. L’une est que les quatre minarets de marbre blanc marquent les coins de l'entrée; tant au tombeau de Jahângîr qu’au Taj Mahal où des minarets similaires sera mis non pas sur l'entrée mais à chaque coin de la terrasse. La deuxième caractéristique est la longue inscription qui embellit les deux côtés de la porte. C'est un poème persan écrit spécialement pour ce monument et conçu par le calligraphe Abd al-Haqq Shirizi, qui fut honoré avec le titre Amanat Khan. Le poème fait l'éloge du défunt empereur Akbar et se termine avec des versets invitant le visiteur à entrer dans le jardin de paradis.
Alors que les jardins moghols impériaux, en particulier ceux des tombes, sont généralement associées à des visions de paradis, ce poème sur la porte d'entrée du complexe rend cette référence claire. Le Paradis, dans l'Islam, est la récompense pour le vrai croyant sur le Jour du Jugement.
D'autres mausolées contemporains
Les tombeaux de saints soufis les plus importants, et plus particulièrement les tombeaux des saints Moinuddin Chishti à Ajmer et Nizamuddin Auliya à Delhi ont été faites de marbre blanc, une matière qui était associée à la pureté, et par extension à la sainteté. Du coup au fil du temps le marbre blanc a été utilisé pour faire les tombeaux des grands de l’Empire et les membres de sa famille immédiate. Le reste du peuple n’avait pas accès à un tel matériau, bien sûr, pour pouvoir démarquer l’Empereur et sa famille. La reine de Jahângîr, Nur Jahan, construisit pour sa mère, puis son père (mort peu après) un tombeau de marbre blanc richement incrusté de pierres multicolores. Le père de Nur Jahan était le ministre des Finances de Shah Jahan, il était très proche de Jahângîr, mais pas de sang royal. C’est grâce à cette proximité qu’il put disposer d’un tel tombeau. Bien que ce tombeau ait été construit pour le couple, il est connu comme le tombeau d’Itimad-ud-Daula, d’après le titre officiel du père. Il a été achevé en août 1626, et comme les autres mausolées impériaux moghols, il se trouve au centre d'un charbagh fortifiée et son rez de chaussée est conforme à la hasht. La partie intérieure est constituée d'une chambre centrale fermée dotée de panneaux finement sculptés, le tout coiffée par une voûte pyramidale tronquée. Chaque coin de la terrasse est équipé par un minaret court. Alors que ce complexe est plus petit que toutes les tombes destinées à un empereur, son décor en marqueterie donne à la structure une élégance sans précédent. Sans surprise, on trouve des dessins floraux et géométriques, mais de façon plus surprenante le visiteur peut y voir des images de cyprès, des fruits de d’autres végétaux. Cette imagerie, tirée de la poésie persane classique tout comme du Coran, est destiné à considérer le complexe comme un Paradis.
L’élément architectural qui représente le mieux la montée au Paradis est le dôme, en marbre blanc. Un dôme est associé, dans l’imagerie moghole, à la montée au Paradis.
De nos jours le complexe du Taj Mahal et son jardin semblent être les seuls le long de la rivière Yamuna, mais à l’époque moghol il y avait plusieurs jardins bordant cette rivière, par contre, c’était le seul à être présent sur les deux rives. Du côté Sud se trouve le mausolée et le jardin, alors que du côté Nord se trouve le Mehtab Bagh, dit aussi jardin de la Lune, avec son bassin réfléchissant.
La plupart des visiteurs du Taj Mahal pensent que le Taj Mahal est la tombe de marbre, éventuellement en pensant à son jardin, mais en fait c’est bien plus qu’un simple bâtiment, il s’agit d’un complexe, presque une ville indépendante dans Agra, alors capitale moghole et connue officiellement sous le nom d’Akbarabad.
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