Montage du 1er au 2e étage
Le montage de la partie des montants comprise entre le premier et le deuxième étage (voir fig. 120) se continua comme pour la partie inférieure, au moyen des grues que l'on hissait progressivement sur les chemins des ascenseurs. Seulement, comme l'inclinaison des montants variait d'un panneau à l'autre, on était obligé de ramener les pivots des grues dans la verticale, chaque fois que l'on s'était élevé à la hauteur d'un panneau. Cette opération se faisait d'ailleurs avec la plus grande facilité, en manœuvrant la vis fixée à la base du pivot, ainsi que nous l'avons expliqué précédemment dans la description des grues de montage.
Assemblage des poutres du premier étage
A mesure qu'on s'élevait, le temps nécessaire pour le levage des pièces augmentait; en outre, la chaîne de levage devenant beaucoup plus longue, ajoutait un poids important à celui des pièces que les grues soulevaient. Pour pallier à ces deux inconvénients : lenteur trop grande de la montée et augmentation des charges à hisser, on établit un monte-charge à vapeur au niveau du premier étage.
Ce monte-charge (voir fig. 121) était établi au bord intérieur de la partie du plancher du premier étage faisant face à l'École Militaire. A partir de ce moment, tous les matériaux étaient amenés par une voie au-dessous de ce monte-charge, au lieu d'être répartis entre les quatre montants comme précédemment. Attachés à la chaîne du monte-charge, ils étaient levés rapidement jusqu'au niveau du premier étage ; arrivés là, ils étaient déposés sur des wagonnets qui, suivant une voie circulaire portée par le plancher du premier étage, allaient les conduire au droit du montant auquel ils étaient destinés, d'où il étaient repris par la grue de montage, qui les mettait en place (fig. 1 et 2, Planche XXIV).
En opérant ainsi, on arriva jusqu'au deuxième étage, c'est-à-dire à 115,21 m au-dessus du sol.
Voir aussi : Description des étages.
Montage du 2e étage au 3e étage
On a vu, dans la description générale de la Tour, qu'à partir du deuxième étage, le système de construction change complètement. Les quatre montants distincts disparaissent, leurs faces extérieures se confondent deux à deux en une seule, de sorte que, jusqu'au troisième étage, la partie supérieure de la Tour forme une grande cage vide en forme de tronc de pyramide. Les chemins de roulement des ascenseurs n'existent plus, car le système employé pour la partie supérieure comporte des cabines suspendues et non plus des cabines roulantes. On voit, d'après cela, que la méthode mise en œuvre pour le montage devait, à partir du deuxième étage, être radicalement modifiée.
Construction du 2e étage
Il n'était plus possible de conserver les quatre grues. La section horizontale de la Tour allait d'ailleurs en se rétrécissant de plus en plus, et deux grues devenaient suffisantes pour desservir tous les points de la construction. Il s'agissait de leur constituer un chemin vertical, en remplacement du chemin de roulement des ascenseurs sur lequel elles s'étaient hissées jusque-là.
Dans l'axe de la Tour règne, du deuxième au troisième étage, un pilier vertical qui sert de guide principal aux cabines de l'ascenseur. Il est formé par une poutre en caisson dont les âmes à treillis ont 0,80 m de hauteur et les semelles 0,60 m de largeur. La largeur des semelles n'était pas assez grande pour que celles-ci pussent servir directement de surface d'appui aux châssis des grues, lesquels avaient été construits pour glisser sur les poutres des ascenseurs inférieurs écartées de 3,80 m; mais, en appliquant sur ces semelles des cadres dont les bordures verticales présentaient précisément cet écartement de 3,80m, on parvint à créer un chemin convenable pour le halage des deux grues qui devaient parachever le montage (voir fig. 122 ci-dessous et la Planche XXIV, fig. 5 à 13).
Monte-charge de la tour Eiffel
Ces cadres ou châssis (figure 8 à 12) étaient disposés de chaque côté du pilier-guide central des ascenseurs. Ils se composaient des deux poutres-bordures sur lesquelles on boulonnait le châssis des grues et d'une troisième poutre médiane qui s'attachait sur la semelle du pilier-guide. Ces trois poutres étaient reliées entre elles par des entretoises horizontales et une croix en cornières. La hauteur des cadres était 3m. Trois cadres superposés jointivement formaient un chemin vertical de 9m de hauteur, suivant lequel la manœuvre des grues pouvait se faire exactement de la même manière, et avec la même sécurité que sur les poutres des ascenseurs inférieurs.
Les cadres placés de chaque côté du pilier-guide étaient reliés latéralement par un treillis en cornières, de manière à former une cage rectangulaire, au milieu de laquelle se trouvait emprisonné le pilier central. On élevait simultanément les deux grues, qui s'équilibraient à vide et ne tendaient à faire fléchir le pilier que lorsque l'une d'elles seulement était en charge. La flexion du pilier était combattue d'abord par les grandes entretoises qui le relient, dans chaque plan d'entretoisement, aux angles de la Tour, et ensuite par des contrefiches supplémentaires et provisoires qui, s'a ttachant par une extrémité sur la partie centrale de la grande entretoise, étaient fixées par l'autre extrémité aux arbalétriers de la Tour.
Quand les grues avaient parcouru un jeu de cadres de 9 m, on s'en servait pour disposer à l'avancement un second jeu de même hauteur à la suite du premier. On élevait les grues sur ces nouveaux cadres; les anciens devenaient disponibles, attendant qu'on vienne les démonter, toujours au moyen des grues, pour être remontés plus haut.
Le relevage des grues, y compris le déplacement d'un jeu complet de cadres de 9 m de hauteur, n'exigeait que trente heures, soit trois journées de dix heures avec dix hommes, temps assurément très court si l'on considère qu'il s'agissait de déplacer, par reprises successives, un ensemble d'engins dont le poids total atteignait 45 000 kg. Les grues une fois installées pouvaient, sans changer d'altitude, monter un panneau tout entier.
Grue de montage de la tour Eiffel
De même qu'on avait été conduit à installer un monte-charge à vapeur au premier étage, de même on dut en installer successivement un au deuxième étage, et enfin un troisième sur le plancher intermédiaire situé à 197 m de hauteur. C'est au niveau de ce plancher que les cabines des ascenseurs supérieurs se rencontrent et que se fait le transbordement des voyageurs.
En procédant comme nous venons de le dire, on arriva à la plate-forme du troisième étage à la fin de février 1889, et, un mois après, le montage était complètement terminé.
Voir aussi : Description des étages.
Détails divers du montage
Une des périodes les plus actives fut celle qui correspondit au montage simultané des montants et des poutres de la première plate-forme. Outre les grues des montants, il y avait deux chèvres installées par échafaudage, de sorte que l'on pouvait monter les fers à des hauteurs de 45 à 56 m par douze appareils à la fois. On a ainsi pu, malgré la mauvaise saison, monter pendant chacun des mois de janvier, février et mars, 650 tonnes de fer. En raison des grandes difficultés du travail, ce tonnage est considérable.
Au fur et à mesure de la pose des solives dans la première plate-forme, les maçons établissaient le hourdis en briques creuses, système Perrière; on constitua ainsi une plate-forme absolument fermée sur laquelle on installa un nouveau chantier d'approvisionnement alimenté par le monte-charges à vapeur du premier étage; celui-ci comportait deux treuils Bernier actionnés par une locomobile de 12 chevaux.
En raison de son poids (6 000 Kg), la première entretoise en treillis qui relie les piliers à la partie inférieure du panneau 10, fut assemblée sur le plancher du premier étage et mise en place à l'aide de deux grues amarrées à chaque extrémité.
Les poutres du deuxième étage furent montées en porte à faux par les grues. Les différences qui existaient dans l'écartement des piliers par rapport aux cotes calculées étaient absolument insignifiantes, et l'assemblage se fit par les moyens ordinaires, crics et broches. Un nivellement fait sur le sommet des tronçons ayant permis de reconnaître que l'horizontalité était parfaite, on put régler définitivement les cales placées entre l'appui à la base et le contre-sabot et s'assurer, au moyen de manomètres placés sur la pompe, que la charge sur chaque arbalétrier était sensiblement la même. Il n'y avait plus, dès lors, aucun inconvénient à enlever les boîtes à sable et à abandonner la construction à elle-même.
La démolition des échafaudages se fit sans aucune difficulté, en prenant sur les piliers de la Tour l'appui des poulies de retour des câbles servant à la descente des bois.
La partie des arcs placée entre les grands échafaudages et les pylônes, a été montée en porte à faux. Pour les parties intermédiaires, le montage en fut fait pendant l'assemblage des poutres du deuxième étage, sur l'échafaudage lui-même, qui avait été disposé â cet effet.
Le montage du panneau 13 et d'une partie du panneau 14 fut opéré avec la disposition des grues employée aux panneaux inférieurs, en hissant celles-ci au sommet des poutres d'ascenseurs qui dépassaient le niveau de la plate-forme.
On posait, pendant ce temps, avec des chèvres, la nouvelle voie sur le poteau central ; quand elle fut en place, on y installa, à l'aide des grues des piles 2 et 4, qui s'arrêtaient à cette hauteur, les deux grues qui devaient monter jusqu'au sommet.
Comme cela avait été fait au premier étage, on établit au deuxième, et aussitôt que cela fut possible, le hourdis Perrière ; on constitua ainsi une nouvelle plate-forme, qui reçut un deuxième monte-charges à vapeur pour l'approvisionnement des fers. Ce second monte-charges était à peu près semblable au premier, sauf que les pièces, à leur arrivée, soulevaient une trappe qui se refermait aussitôt la pièce passée, et sur laquelle venaient se placer les wagonnets destinés à recevoir la charge.
Une voie circulaire permettait de conduire les pièces sur les points les plus convenables pour être reprises par les grues.
Le montage du tronçon C des panneaux 13, 14 et 15, a été fait à l'aide des chèvres: on eût dû, en effet, donner aux grues une volée trop considérable pour atteindre ces points.
Construction du 1er étage
A l'altitude de 80 m au-dessus du deuxième étage, c'est-à-dire à la plate-forme intermédiaire, on établit un plancher en bois complet constituant une nouvelle plate-forme d'approvisionnement, que l'on munit d'un troisième monte-charges à vapeur semblable aux deux premiers, sauf qu'il ne comportait qu'un seul treuil.
Afin d'alimenter les machines de ces monte-charges et pour avoir toujours de l'eau sur les échafaudages en cas d'incendie, on installa un réservoir au deuxième étage, alimenté par une pompe Thirion. Une seconde pompe refoulait l'eau jusqu'à un autre réservoir situé à la plate-forme intermédiaire.
Au-dessus du troisième étage, les grues ne pouvant plus orienter, l'une d'elles fut démolie et, avec celle qui restait, on monta les fers de la partie supérieure, qui furent mis en place à l'aide de chèvres. Finalement, pour la coupole du phare, on installa un bigueton avec un palan.
On se servit de la chèvre qui était installée, pour démonter la grue et monter tous les matériaux destinés à l'aménagement de cette plate-forme.
Voir aussi :