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Fondations de la tour Eiffel


Étude du sous-sol et choix de l'emplacement définitif

Il résulte des nombreux sondages effectués dans le Champ-de-Mars, que l'assise inférieure de ce sous-sol est formée par la puissante couche d'argile plastique qui règne d'une manière générale dans le bassin de Paris: elle est située â 14m au-dessous du sol et présente une épaisseur d'environ 16 m; au-dessous se trouve la craie. Cette argile est sèche, assez compacte, capable de supporter des pressions de 1 à 4 Kg par centimètre carré, mais elle est cependant d'une résistance insuffisante pour recevoir la charge directe des fondations de la Tour.

Cette couche d'argile, légèrement inclinée depuis l'École militaire jusqu'à la Seine, est surmontée d'un banc de sable et gravier compact, qui est éminemment propre à recevoir des fondations.

Jusqu'aux environs de la balustrade qui séparait le Champ-de-Mars proprement dit, appartenant à l'État, du square placé en avant, qui appartient à la Ville, c'est-à-dire à peu près à la hauteur de la rue de l'Université, cette couche de sable et gravier a une hauteur presque constante de 6 à 7 m, et des fondations solides peuvent, dans cette partie du Champ-de-Mars, être établies à sec sans aucune difficulté, ainsi que cela a eu lieu pour les divers palais de l'Exposition.

Au delà, on entre dans l'ancien lit de la Seine, et l'action des eaux a réduit l'épaisseur de cette couche, qui va toujours en diminuant, pour devenir à peu près nulle quand on arrive au lit actuel. C'est ce que montrent les figures 1 et 2 de la planche II.

Si l'on consulte le plan de Paris, dressé par Roussel en 1730, on peut se faire une idée de ce qu'était autrefois la forme du lit de la Seine. Le lit actuel, aux rectifications d'encaissement près, y est très nettement tracé. Mais il existait un second bras dont la berge était à peu près dans le prolongement de la rue de l'Université. Il ménageait en avant une petite île, dite « île des Cygnes », qui servait à des chantiers de bois; en arrière étaient les marais potagers du Gros-Caillou dans lesquels on devait plus tard édifier l'École Militaire. Ce bras s'envasait d'ailleurs rapidement: le plan de Berniquet (1789) l'indique encore, mais plutôt à l'état de fossé; la construction du pont d'Iéna devait en achever la disparition par un remblayage définitif.

L'emplacement en a été confirmé dans la fondation des piles 1 et 4, qui en occupent à peu près exactement le lit et qui sont situées à 120 m en arrière du quai actuel. Aussi en ces points on rencontre, dans une couche de vase ou d'argile plus ou moins sableuse, des débris et détritus de toute nature, bois, fragments de poteries, os d'animaux domestiques, et même une maçonnerie formée par des blocs superposés qui devaient appartenir à un mur de quai. Toute cette partie voisine de la Seine est tout à fait impropre à recevoir dès fondations faites parles procédés ordinaires, comme celles que l'on peut établir dans les parties plus reculées du Champ-de-Mars. Mais des considérations administratives ne permettaient pas d'implanter la Tour dans le domaine de l'État, ce qui eût entraîné, pour légaliser une aliénation d'une durée dépassant celle de l'Exposition, de longues formalités. On les évita en plaçant la Tour dans le square, qui était le domaine de la Ville, et en obtenant à cet effet l'autorisation du Conseil municipal. Celui-ci, en retour, demanda qu'à l'expiration de la concession, la Tour devînt la propriété de la Ville.

Quant à sa position même dans le square, on n'eut pas le choix. Certaines préférences existaient pour placer la Tour sur le quai lui-même, de manière à l'éloigner le plus possible des bâtiments de l'Exposition et à diminuer les inconvénients d'aspect que l'on craignait pour eux de ce voisinage. Mais on reconnut bien vite qu'aux environs du quai, la couche de sable et gravier disparaissant complètement, la fondation devenait à peu près impossible. On se décida donc à l'éloigner de la Seine autant que le permettaient les limites du square.

Les deux piles arrière furent ainsi placées à cheval sur la balustrade de séparation, sur un terrain facile, et les deux piles en avant pouvaient venir se fonder sur le banc de sable et gravier, qui avait encore en ce point, au-dessus de l'argile, une épaisseur de 3,50 m, laquelle offrait toute sécurité.


Fondation de la pile 2

Les deux piles d'arrière, qui portent les numéros 2 et 3, sont placées, ainsi que nous venons de le dire, près de l'ancienne balustrade, à 216 m en arrière du mur du quai. Le sol naturel est en ce point à la cote + 34, les terrains d'apport de toute nature et les remblais inconsistants dont il est formé ont une épaisseur de 7 m. On rencontre à la cote + 27, qui est le niveau normal de la Seine (retenue du barrage de Suresnes), la couche de sable et gravier dont l'épaisseur en ce point est de 6 m environ. On a donc pu, sans épuisement, obtenir pour ces deux piles une fondation parfaite.

Les travaux furent inaugurés, le 28 janvier 1887, par le commencement des fouilles de la pile 2 ( Planche II, fig. 4, 5 et 6). Une fouille générale fut faite jusqu'à la cote + 29 suivant les procédés habituellement employés pour les fouilles des édifices parisiens, c'est-à-dire à l'aide de tombereaux accédant au fond de la fouille par des rampes convenablement disposées, venant se charger au droit d'un large front d'attaque et transportant le déblai aux décharges publiques.

Fondations de la tour Eiffel

Fondations de la tour Eiffel

Photos reproduites avec l'aimable autorisation de L'Illustration.com.

Ce travail, qui comprenait le transport au loin de 5 351 m3, fut terminé le 23 février et marcha avec une grande activité sous la direction de MM. Aubry et Huguet, entrepreneurs. Par certaines journées, on chargeait 350 tombereaux à deux chevaux portant 2,50 m3, et 40 tombereaux à un cheval portant 1,50 m3.

On fit ensuite, en régalant les terres sur la plate-forme de la fouille générale, le déblai pour la fondation des quatre massifs de maçonnerie supportant chacun des arbalétriers. On donna à ces excavations une profondeur de 2,00 m qui permettait d'atteindre la couche de gravier solide au niveau de l'eau (+ 27,10). Ces excavations, qui devaient être remplies de béton, avaient, pour trois des massifs, 10 m sur 6; le quatrième, de forme spéciale, qui devait recevoir les chemins d'ascenseur, avait 14 m sur 7,40 m. Leur cube était de 492 m.

Chaque pile était entourée par des murs servant de fondation au soubassement en maçonnerie qui constituait la base apparente de chacune d'elles. Ces murs étaient établis sur des voûtes qui reposaient soit sur les massifs eux-mêmes, soit sur des piliers distincts fondés sur la couche de gravier. Ces fouilles avaient un cube de 90,50 m3.

Enfin on avait décidé, pour faciliter la déperdition de l'électricité atmosphérique dans le sol, de disposer à 3 m sous la plate-forme, soit à 1 m sous le niveau de la Seine, deux longs tuyaux en fonte de 20m environ de longueur et de 0,50 m de diamètre, disposés entre les massifs. Lune de leurs extrémités devait se recourber verticalement et émerger au niveau du sol naturel pour être reliée par des conducteurs métalliques aux fers de la Tour. Ces fouilles, qui comportaient des dragages et des étaiements, avaient 1 m à la base et 3 m de profondeur. Leur cube a été de 144 m3. Apres le placement des tuyaux conducteurs, elles ont été remblayées.

Les fouilles des massifs et des murs étant terminées, on procéda à leur remplissage par du béton hydraulique formé par 1 m3 de cailloux roulés et 0,5 m3 de mortier. Celui-ci était lui-même constitué par 1 m3 de sable de rivière et 250 kg de ciment de Boulogne (marque Famchon). Le mortier était fabriqué par des broyeurs mécaniques et coulé en place par des bétonnières verticales à tringles entre-croisées. Le cube du béton employé a été de 582 m.

Une fois que l'on eut arasé le béton à la cote + 29, on le surmonta par les maçonneries supérieures.

Les massifs sous les arbalétriers avaient la forme d'un tronc de pyramide quadrangulaire dont l'axe était dirigé suivant l'inclinaison oblique des arbalétriers, ou plutôt était tel que la courbe des pressions vînt à peu près couper dans leur milieu les plans des assises. Ces assises elles-mêmes étaient horizontales dans la partie inférieure, et normales à la courbe des pressions dans la partie supérieure afin d'éviter tout glissement. Le raccordement se faisait par des assises en éventail. Les faces antérieures et latérales étaient disposées verticalement avec des redans, la face postérieure était inclinée. La figure 1 de la planche IV indique ces dispositions. La hauteur maxima était de 7,50 m et la largeur à la base de 5,00 m.

Ces massifs étaient constitués par du moellon des carrières de Souppes, hourdé en mortier hydraulique à raison de 250 kg de ciment de Boulogne par mètre cube de sable.

Toute cette maçonnerie, dans laquelle on n'a fait entrer que des matériaux de première qualité, a été faite avec un soin extrême, de manière que, même chargée de suite après son établissement, elle ne donnât lieu à aucun tassement ; c'est pour ce motif, du reste, que l'emploi de la chaux, dont la prise au milieu des gros massifs est incertaine comme durée, a été écarté. Nous avons seulement employé celle-ci pour les murs de pourtour, qui pouvaient sans aucun inconvénient être construits, suivant l'usage, avec du mortier de chaux.

Le massif en avant du côté du centre avait une forme un peu spéciale, indiquée par la figure 1, pour recevoir les cages d'ascenseurs.

La face inclinée qui limite la partie supérieure de chaque massif recevait les pierres de taille d'appuis, composées de deux assises hexagonales ayant chacune une épaisseur de 0,50 m et une largeur de 4,00 m pour la première et 3,00 m pour la seconde. Ces pierres provenaient des meilleurs bancs des carrières de Château-Landon et leur résistance à l'écrasement est, d'après les expériences que nous avons demandées à l'École des ponts et chaussées et au Conservatoire des arts et métiers, de 1 235 kg en moyenne par cm2. Ce sont ces pierres qui reçoivent les sabots en fonte sur lesquels viennent reposer les arbalétriers.

Au centre de chacun de ces massifs, sont noyés deux grands boulons d'ancrage de 7,80 m de longueur et de 0,10 m de diamètre qui, par l'intermédiaire de sabots en fonte et de fers à double T, intéressent la majeure partie des maçonneries des massifs.

Cet ancrage, qui n'est pas nécessaire pour la stabilité de la Tour, laquelle est assurée par son poids propre, donne cependant un excès de sécurité contre tout renversement et devait être, de plus, utilisé lors du montage en porte à faux des piliers en fer. Ces boulons ne sont pas simplement noyés dans la maçonnerie, où leur position eût été invariable. Ils sont logés dans un tuyau en fonte dans l'intérieur duquel ils peuvent avoir un petit déplacement. En effet, quel que fût le soin avec lequel on devait procéder au placement des boulons qui devaient fixer les sabots d'appui, un peu de jeu était nécessaire pour obtenir la position rigoureuse, prévue aux dessins, de la partie métallique.

Les trois massifs latéraux cubent chacun 196,50 m3; celui des ascenseurs 358,68 m3, soit ensemble 948,15 m3. Chacun des couronnements en pierre de taille cube 9,845 m3, soit 39,38 m3 pour les quatre.

Les murs de pourtour (planche V, fig. 3 et 4) de 0,75 m d'épaisseur furent établis en maçonnerie de chaux hydraulique d'Echoisy, sur des piliers réunis par des arcades de 5,55 m de corde, et 1,00 m de flèche. Ils ont été arasés à la cote + 35, niveau du sol définitif du Champ-de-Mars. Leur cube est de 316 m3.

Quand le tout fut terminé, on noya les maçonneries dans un remblai rapporté jusqu'au niveau du sol. Le cube de ce remblai est de 4 170 m3.

La maçonnerie a été commencée le 4 mars et terminée le 10 avril. Le nombre d'hommes qui y travaillait a été en moyenne de 47, dont 20 maçons et 27 manœuvres.


Fondation de la pile 3

La fouille de cette pile a été faite différemment de celle de la pile 2. Les déblais ne devaient plus être transportés aux décharges publiques, mais être approvisionnés dans la partie centrale de la Tour, afin soit de relever le niveau du Champ-de-Mars, qui formait une dépression en cet endroit, soit de remblayer les vides autour des massifs de maçonnerie. Ils ont été transportés à l'aide de wagonnets traînés par des chevaux, et roulant sur deux voies qui les amenaient aux points voulus (planche III, fig. i).

La fouille, qui avait les mêmes dimensions que la précédente, a été creusée à la même profondeur, soit à la cote + 29,00.

Elle a été commencée quelques jours après la première, le 29 janvier, et terminée le 8 mars, soit au bout de trente-neuf jours, délai un peu plus long que le premier, parce qu'on disposait d'attaques bien moins puissantes qu'avec les nombreux tombereaux qui se présentaient au chargement. Le cube de cette fouille était de 5 498 m3.

Les petites fouilles pour le béton des massifs, celui des murs de pourtour et pour la pose des conduites d'électricité ont été faites du 1er au 12 mars; leur cube était de 741 m3

Les maçonneries étaient semblables aux premières en ce qui concernait les massifs; les murs de pourtour étaient seuls différents. En effet, l'intérieur de cette pile devait rester vide pour recevoir le service mécanique de la Tour, comme générateurs, machines, pompes, dynamos pour l'éclairage, etc.

Ces murs de pourtour (planche III, fig. 4; planche IV, fig. 13 et 14; planche V, fig. 5 et 6) ont 1,50 m à la base et 0,75m au sommet. Ils se relient aux massifs et reposent en outre sur des piliers de béton par des arcades de 5,00 m et 3,36 m placées à la partie inférieure, d'où ils s'élèvent pleins sur une hauteur de 6m.

Un remblayage fut fait ensuite derrière les massifs et les murs. Le sol lui-même, qui devait être celui de la salle des machines, fut relevé jusqu'à la cote + 30,50.

Ces fondations ont été commencées le 9 mars et terminées fin avril.


Puits de sondage des piles 1 et 4

Pour la reconnaissance exacte du terrain difficile sur lequel devaient être fondées les piles du bord de l'eau, portant les numéros 1 et 4, nous avions d'abord fait usage des procédés de sondage ordinaires, exécutés par MM. Paulin et Arrault. Mais leurs résultats, pleins d'incertitude, ne nous ont pas donné complète satisfaction.

Fondations de la tour Eiffel

Fondations de la tour Eiffel

Photos reproduites avec l'aimable autorisation de L'Illustration.com.

Quelles conclusions au point de vue de l'établissement d'une fondation peut-on raisonnablement baser sur l'examen de quelques décimètres cubes de déblai, délayés le plus souvent par les eaux auxquelles le trou de sonde lui-même a donné accès et ramenés au jour par la cuillère de sondage ? Quelle consistance a ce terrain dans son état naturel et quelle charge peut-on lui faire supporter ? Les résultats du sondage ne donnent aucune indication à cet égard et sont la cause dans les travaux de fréquentes erreurs ayant les conséquences les plus graves.

Comme il était d'un grand intérêt, pour l'organisation du travail et la préparation des hausses, de connaître à l'avance non seulement la profondeur de la couche du sol où l'on devait s'arrêter, mais encore la nature exacte du sous-sol, nous n'avons pas hésité à faire pour chacune de ces piles des puits à l'air comprimé destinés à nous renseigner d'une manière complète soit sur l'épaisseur des couches, soit sur leur consistance.

Nous avons été peut-être les premiers à employer ce mode de recherches, qui nous a donné les meilleurs résultats et qui au fond est très peu coûteux, quand on dispose d'un matériel à air comprimé, c'est-à-dire d'un sas et d'une machine soufflante.

Nos puits étaient constitués par un tube en tôle de 2,00 m de diamètre et de 3 mm d'épaisseur. A la partie inférieure est disposée la chambre de travail surmontée de la cheminée, au sommet de laquelle s'installe le sas. L'espace vide annulaire au-dessus du plafond de la chambre sert de magasin pour le contre-poids destiné à équilibrer la pression. Ce contre-poids peut être constitué soit par des fers, soit par du caillou ou du béton, comme nous l'avons fait à ces puits. Nous devions, en effet, les laisser en place pour en faire les conducteurs de l'électricité atmosphérique, en les reliant aux fers de la Tour.

Comme la fouille générale de la pile n'était pas terminée, nous avons disposé ce cylindre en dehors de la pile et nous l'avons enfoncé à partir du sol naturel. On employa d'abord les procédés ordinaires des puisatiers jusqu'à ce que l'on fût arrêté par l'eau, soit à la cote +27,00 environ, à 7,43 m au-dessous du sol naturel (+ 34,53). On y installa alors le sas et ses cheminées et on descendit en sept jours de 7,07 m donnant une descente totale de 14,50 m. On était alors dans le calcaire chlorité et, comme on éprouvait quelques difficultés à charger assez le tube pour le faire descendre, on fit un sondage supplémentaire à la tarière de 1,40 m pour reconnaître l'argile, dont la présence très nette fut indiquée à la cote + 18,63 (voir fig. 3, planche II).

On avait rencontré dans l'intervalle une couche de remblais de 7,49 m, des argiles sableuses et du sable fin sur une épaisseur de 5,99 m et enfin une couche de sable et gravier compact excellent pour fondations à la cote + 22, séparée de l'argile, soit par la couche elle-même, soit par du calcaire chlorité, sur une épaisseur de 3,37m. On pouvait donc sans inconvénient s'asseoir sur cette couche.

Pour la pile 4, la fouille générale était déjà opérée et on put établir le puits de sondage au centre des quatre caissons en commençant les opérations d'enfoncement à la cote + 28. Le sol naturel était à la cote + 34,60.

L'enfoncement fut poussé cette fois jusqu'à une pénétration de 1,75m dans l'argile plastique, dont on reconnut nettement la nature et la compacité, qui était assez grande : cette argile était sèche, très résistante et pouvait déjà par elle-même supporter des charges de 3 à 4 Kg au moins par centimètre carré. On avait rencontré des sables argileux et des vases sableuses sur une hauteur de 6,00 m, puis la bonne couche de sable et gravier à la cote + 22, séparée de l'argile par une épaisseur de 3,15m de gravier, de calcaire chlorité et de grès ferrugineux. Cette couche pouvait donc avec pleine sécurité recevoir les fondations, dont la charge par centimètre carré n'excédait pas 4,9Kg, ainsi qu'il résulte des calculs qui précèdent.

Nous avons donc pu, par ce mode très sûr, que nous ne saurions trop recommander, déterminera l'avance d'une façon absolue l'organisation de notre travail, de nos approvisionnements comme hausses, matériaux de maçonnerie, etc.

Le caisson peut au besoin être en grande partie retiré pour être utilisé à nouveau. Dans le cas actuel, nous l'avons laissé en place, en retirant seulement les cheminées. Elles ont été remplacées par un tuyau vertical en fonte débordant au dehors, et plongeant largement dans l'eau. Les vides étaient remplis par des cailloux ; on avait ainsi un conducteur d'électricité ne laissant rien à désirer.

Étant donnée cette faible hauteur de 5,00 m à descendre sous l'eau, on peut se demander s'il n'y aurait pas eu, au point de vue de la dépense, avantage à employer pour ces deux piles un mode différent de celui de l'air comprimé et à procéder par dragage dans une enceinte avec béton immergé.

Le doute n'est guère possible : car, malgré les sondages, on n'était pas, dans cette partie si tourmentée du sol du Champ-de-Mars, suffisamment sûr du terrain pour toute la surface englobée dans les pieds. Il fallait donc, dans ces circonstances, adopter une solution répondant à toutes les éventualités. De plus l'emploi de l'air comprimé présente de tels avantages, soit comme sûreté dans le travail, soit comme certitude dans le résultat obtenu, qu'en raison de l'immense intérêt que l'on avait à marcher aussi rapidement que possible en se débarrassant de suite de tout aléa et à établir des fondations ne donnant absolument aucune crainte pour l'avenir, on n'a pas hésité à employer ce procédé, quoiqu'il fût sensiblement plus coûteux que tout autre. Ce choix a d'ailleurs été pleinement justifié par la suite, car on a rencontré dans les caissons de la pile 1 des restes considérables de maçonnerie et des troncs d'arbres qui auraient été un obstacle très sérieux à la prompte exécution du travail par d'autres procédés.

Fondation de la pile 4

On commença, comme pour les autres piles, à établir une fouille générale de 6,00m de profondeur à la cote + 28,00. Le terrain naturel était à la cote + 33,92 (voir planche II, fig. 12 et 13).

La partie supérieure de cette fouille, jusqu'à une profondeur de 4,00 m environ, a été enlevée au tombereau pour être transportée aux décharges publiques, suivant le mode employé à la pile 2. On enleva ainsi 4748 m3. Pour les 2,00m restants, dont le déblai devait être mis en dépôt dans la partie centrale de la Tour, on fit une cuvette descendant à la cote + 28,00 et traversant la fouille. On la relia à une rampe sur laquelle fut posée une voie, et à l'extrémité de laquelle était disposé un monte-charge à câble incliné, mû par une locomobile. Les wagons venaient se charger le long de la cuvette et se déversaient de part et d'autre de la voie de dépôt (planche III, fig. i). On enleva par ce procédé 2 421 m3.

Plan des fouilles de la pile 4

Plan des fouilles de la pile 4

Plan des fouilles de la pile 4

Plan des fouilles de la pile 4

Ce dernier mode de travail n'était pas très expéditif, aussi la fouille, commencée dans les premiers jours de février, ne fut-elle terminée que le 25 mars; elle comportait 7 169 m3.

On fit, à l'emplacement des caissons et jusqu'au niveau de l'eau, les excavations nécessaires pour les loger; elles avaient une surface de 15 m sur 6 m.

On commença, le 26 mars, le montage de ces caissons; leur longueur était de 15,24 m et leur largeur de 6,00 m avec coins arrondis (le premier construit avait une longueur de 14,24m seulement ; mais nous avons cru bon d'allonger tous les autres de 1,00 m).

La hauteur de la chambre de travail, mesurée du tranchant au plafond était de 1,80m (voir fig. 112). Les parois verticales dépassaient le plafond de 1,20 m, ce qui leur donnait une hauteur de 3,00 m; elles étaient raidies de mètre en mètre par des consoles-contrefiches en cornières, ayant 0,80m à la partie supérieure.

Tous les joints étaient verticaux; ils étaient situés au droit des consoles et recouverts par des couvre-joints. La muraille entière était livrée au chantier divisée en huit tronçons, dont chacun portait ses consoles intérieures complètement rivées à l'avance : ceux des grands côtés n'avaient pas moins de 7,00m de longueur.

Les tôles de muraille avaient 6 mm d'épaisseur, elles étaient raidies à leur partie inférieure par un fer plat de 220 X 18 mm d'épaisseur formant couteau et une cornière saillante de 100 x 100 formant appui pendant l'intervalle des descentes. Le plafond était formé par une tôle de 6 mm d'épaisseur, raidie de mètre en mètre par des poutres en tôle et cornières de 0,60 m de hauteur, qui venaient se river sur les consoles. Chacun des tronçons du plafond portait deux de ces poutres rivées à l'avance, le joint se faisait dans l'intervalle de deux poutres.

Le sas

Le sas

Cette division en tronçons avait pour but de réduire au minimum le nombre de rivets à poser sur place. Le montage était, de plus, très facile : on montait sur des tréteaux les tronçons de plafond, puis on matait avec des crics les tronçons des parois opposées qui venaient s'appliquer contre le plafond : on procédait de suite à la rivure, Le montage d'un caisson complet, ainsi préparé à l'atelier, ne durait que deux jours.

Deux des tronçons du plafond portaient des ouvertures circulaires de 0,90 m de diamètre sur lesquelles s'adaptaient les viroles de tôle dites cheminées, qui supportaient les chambres d'équilibre ou sas.

Les hausses, rivées au fur et à mesure de l'enfoncement des caissons, étaient formées par des tôles de 3 mm et de 1 m de hauteur.

Chacun des caissons muni de ses deux rangs de hausses pesait 3 756 Kg.

Le sas, de notre type habituel (fig. 113), avait 2,00 m de diamètre et 2,00m de hauteur. Il était constitué par un cylindre en tôle d'acier fermé par deux calottes, dont l'inférieure s'adaptait sur la cheminée. Il portait deux trompes formant écluses à déblais et il était muni d'une porte pour la sortie des ouvriers. Les déblais étaient montés dans des bennes en tôle à l'aide d'un treuil mû du dehors par des hommes installés dans une légère plate-forme portée par le sas.

La pompe à air, actionnée par une locomobile de 15 chevaux, était placée dans un hangar sur la berge ; l'air arrivait par des tuyaux de caoutchouc venant s'adapter à la partie inférieure du sas. L'éclairage général du chantier était fait pendant la nuit par des lampes à arc ; l'intérieur du caisson était également éclairé à l'électricité.

Avant d'envoyer l'air comprimé, on remplissait par de la maçonnerie de briques hourdée en ciment l'intervalle des consoles ; puis on déblayait â l'air libre dans l'intérieur du caisson à l'aide d'un treuil de puisatier et de seaux, tout le terrain que l'on pouvait enlever sans être incommodé par l'eau. Enfin on montait les cheminées et les sas et on procédait comme d'habitude, suivant les procédés qui sont trop connus pour que nous les décrivions ici.

Nous dirons seulement que le remplissage au-dessous de la chambre de travail, comme dans la chambre elle-même, était fait en béton de ciment à 250 kg par mètre cube de sable.

Nous résumons dans le tableau ci-dessous les données relatives à cette exécution, telles qu'elles résultent des attachements :

Éléments relatifs à la pile N° 4

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Sur le béton arasé à la cote + 28, on éleva de suite les massifs en maçonnerie devant supporter les arbalétriers. Ils étaient semblables comme forme et dimensions à ceux des piles 1 et 3, sauf que, partant de la cote + 28 au lieu de celle de + 29, ils avaient un mètre de hauteur en plus. Pour les trois massifs semblables, la largeur à la base était toujours de 5,00 m, mais la hauteur au point le plus élevé étant de 8,50 m, la longueur à la base était de 9,61 m.

Quant au massif central recevant l'ascenseur Combaluzier, au lieu d'avoir 7,40 m comme à la pile 2, on put lui conserver la largeur de 6,00 m comme aux autres et ne pas augmenter la largeur du caisson ; à cet effet on remplaça les murs latéraux par une ossature en fer avec voûtes en briques de 0,22 m d'épaisseur. Elle est formée par des fers à T verticaux de 0,30 m de hauteur et distants de 1,60 m. Ces fers sont réunis à leur partie supérieure par une poutre en tôle et cornières de 0,50 m de hauteur disposée horizontalement. La forme de ce massif, dont le vide reçoit la cage de l'ascenseur, est donnée par les figures 31 à 34 de la planche IV.

Quant aux murs de pourtour (Planche V, fig. 7 à 10), ils sont établis avec des arcades sur des piliers, dont la maçonnerie commence à la cote + 28, sans soubassement de béton.

Le cube de chacun des trois massifs semblables est de 242,66 m3, soit pour les trois 727,98 m3.

Celui du massif central est de 374,42 m3, celui du remplissage en briques de 23,51 m3. Le poids du fer de l'ossature est de 4 238 kg.

Le cube des murs du pourtour hourdés à la chaux hydraulique est de 355,70m.

Après l'achèvement des maçonneries, le remblayage général fut fait par 4 218 m3 de terres prises dans les déblais en dépôt.

L'ensemble du travail fut terminé le 16 juin 1887.


Fondation de la pile 1

Cette fondation est analogue à celle de la pile 4, et nous serons, pour éviter les répétitions, très brefs à ce sujet. (Voir fig. 10 et 11 de la planche II, fig. 1, 2, 5 de la III, fig. 9, à 12, 23 à 30 de la Planche IV).

La cote moyenne du sol étant d'environ +34,00, la fouille générale, arasée à la cote + 28,00 a été terminée le 9 avril. La partie supérieure, à laquelle on accédait par une rampe, a été transportée par des tombereaux aux décharges publiques. Le cube était de 3 081 m3

La partie inférieure a été mise en dépôt entre les pieds de la Tour ; elle a été montée à la hauteur nécessaire par un plan incliné à double voie installé dans la rampe. Au sommet était un monte-charges actionné par des chevaux. De là des voies mobiles transportaient les wagonnets à l'endroit voulu. Le cube ainsi transporté a été de 3 953 m3.

Les caissons étaient semblables à ceux de la pile 4 et avaient une superficie de 15,24 m sur 6,00 m; ils ont été descendus à la même profondeur moyenne, soit à la côte +22. Le fonçage du 1er caisson (N° 3) a commencé le 29 avril et le bétonnage du dernier caisson (N° 2) a été fini le 30 mai. Le fonçage et le bétonnage des quatre caissons de cette pile se sont donc faits dans le temps extrêmement court de un mois. Aucun autre procédé que celui de l'air comprimé n'eût permis de mener ce travail aussi rapidement et aussi sûrement.

Nous résumons dans le tableau ci-dessous les données relatives à chacun de ces caissons N° 3-1-4-2

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Les massifs latéraux et le massif arrière étaient semblables à ceux de la pile 4. Il en était de même pour le massif central, qui devait recevoir l'ascenseur Otis. Les maçonneries de cette pile furent terminées dans les derniers jours de juin


Ensemble des fondations

Les détails qui précèdent donnent tous les renseignements nécessaires sur cette importante partie du travail. Il n'est pas sans intérêt de les résumer dans leur ensemble. Le travail, commencé le 26 janvier 1887, a été terminé le 30 juin suivant. Il a donc été exécuté dans le temps relativement court de 5 mois. Les fouilles ont comporté 30 973 m3, se décomposant ainsi :

  • Transportés aux décharges publiques : 13 272 m3
  • Mis en dépôt entre les pieds de la Tour : 12 305 m3
  • Approvisionnés sur les berges : 1 553 m3
  • Extraits des caissons (dont 1 900 à l'air libre) : 3 813 m3
  • Soit : 30 973 m3
  • Les reprises de terre pour remblayer les piles se sont élevées à 13 898 m3

Ce dernier chiffre semble excessif et peut être critiquable au premier abord ; on peut se demander s'il convenait de procéder, comme nous l'avons fait, par des fouilles générales descendant à la cote +- 29 pour les piles 2 et 3 et + 28 pour les piles 1 et 4, ou s'il n'aurait pas été plus économique de faire des fouilles isolées aux points précis où la maçonnerie devait être établie. Nous ne croyons pas qu'une telle critique serait fondée.

En effet, en laissant autour des murs ou des piliers la place nécessaire pour en effectuer commodément la construction, on ne pouvait arriver à un cube moindre que 20 000 m3. Ce cube, comparé à celui de 31 000 m3 réalisé donne un excédent de 11 000 m3.

Ces 11 000 m3 ont été payés : 1,40 francs par mètre pour le déblai et 0,50 francs pour le remblayage, soit en tout 1,90 francs le mètre cube, ce qui entraîne une dépense de 21 000 francs. Or nous estimons que cette dépense supplémentaire est bien au delà compensée par la rapidité et la facilité du travail soit des fouilles, soit de la maçonnerie, ainsi que par l'absence d'étalements difficiles et dangereux et enfin par la plus-value qu'aurait entraîné le montage des déblais extraits des puits. Nous croyons donc que la méthode employée était la bonne et qu'elle doit être recommandée sans hésitation pour des cas analogues.

Quant aux maçonneries, elles comportent :

  • Maçonnerie de pierre de taille hourdée en ciment : 157 m3
  • Maçonnerie de moellons de Souppe avec mortier de ciment : 3 919 m3
  • Béton de ciment pour fondations ordinaires des massifs : 982 m3
  • Béton dans les caissons : 4 130 m3
  • Maçonnerie de moellons avec mortier de chaux hydraulique : 1 619 m3
  • Béton de chaux pour fondation des murs : 1 639 m3
  • Maçonnerie de briques : 47 m3
  • Total : 12 493 m3
  • Dans lesquelles il est rentré : 1 000 tonnes de ciment et 210 tonnes de chaux.

Le travail s'est effectué avec une grande régularité, sous la direction de M. Martin comme chef de service, de M. Alalinarde comme contremaître-tâcheron pour les maçonneries et de M. Saint-Martin comme contremaître du travail des caissons.



Voir aussi :

Construction de la tour Eiffel

Histoire de la tour Eiffel


La tour Eiffel



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