Benoit Clapeyron
Biographie
Benoit Clapeyron est l'un des 72 savants dont le nom est inscrit sur le premier étage de la tour Eiffel. Il est le 11e, sur la face tournée vers l'Ouest.
Benoît-Paul-Emile Clapeyron, ingénieur, est né à Paris le 27 janvier 1799. Il est mort le 28 janvier 18811 dans la même ville. Elevé au collège de Juilly, village du département de Seine-et-Marne, près Meaux, il fit des études classiques brillantes dans cette célèbre institution, fondée par les Oratoriens. Il fut reçu en 1810 à l'Ecole polytechnique, et, à sa sortie, en 1818, il entrait l'Ecole des Mines, à Paris. Après avoir terminé son stage d'ingénieur, il se rendit à Saint-Pétersbourg. Nous étions à l'époque de la seconde Restauration en France. La vie politique, extrêmement absorbante et passionnée, dominait tout et ne permettait pas aux jeunes générations, plus pratiques et très libérales, d'appliquer utilement leur activité.
Clapeyron fut accueilli avec empressement en Russie, et il fut chargé d'y créer les grandes voies ferrées qui, les premières, ont traversé la partie méridionale de ce vaste empire. Il avait quitté la France avec son camarade Lamé. Ils furent chargés tous les deux d'enseigner la mécanique à l'Ecole des Voies et Communications, ayant son siège à Saint-Pétersbourg, Leurs cours furent lithographies et plus tard imprimés, puis adoptés ofîlciellement taient fondées sur le principe des vitesses virtuelles. Les leçons de mécanique appliquée faites par Clapeyron étaient établies sur le principe des forces vives. C'étaient là des idées nouvelles et fécondes. Tous les deux, en arrivant en Russie, avaient reçu le grade de major et la noblesse héréditaire, selon l'usage admis pour les savants que le gouvernement appelait de l'étranger.
Lamé et Clapeyron étaient depuis une dizaine d'années à Saint-Pétersbourg. Ils avaient été promus au grade de colonel et fréquentaient les salons de la plus haute aristocratie, lorsqu'éclatèrent simultanément la révolution de 1830 et la révolte de la Pologne. Ces événements jetèrent le trouble dans la société russe. Le gouvernement, hostile aux idées libérales, cherchait et trouvait des ennemis partout. Suspects de sympathie pour les Polonais et pour une révolution détestée, les Français excitaient en Russie les défiances de la police.
Clapeyron fut dénoncé pour avoir parlé trop librement. Il fut envoyé en mission à Witégra, sur la route d'Arkhangel, dans une région perdue, pour surveiller des travaux qui n'étaient ni commencés ni même projetés. Un cosaque, qui l'y attendait, lui communiqua sa consigne, qui consistait à lui obéir dans le village, mais à tirer sur lui s'il s'en éloignait. De puissantes influences et le besoin qu'on avait de ses conseils réduisirent l'exil de Clapeyron à quelques mois. Mais, vivement ému de sa disgrâce, justement inquiet de l'avenir, il envoya sa démission et quitta la Russie au plus vite, sans avoir reçu le plus faible dédommagement.
Cependant, rentré à Paris, la réputation qu'il avait acquise en Russie, l'avait suivi et le servit auprès des grands ingénieurs et financiers Flachat, Pereire frères, Perdonnet. Ils le chargèrent de tracer les lignes de Versailles (rive droite) et de Saint-Germain-en-Laye, ces deux chemins de fer classiques, restés historiques comme les pères de tous les autres. C'est lui qui, le jour de l'inauguration de la seconde de ces voies ferrées, le 27 août 1837, assista Emile Pereire dans le premier train qui emporta triomphalement la reine Amélie, la duchesse d'Orléans, les ducs d'Orléans, d'Aumale, de Montpensier, le maréchal Bugeaud, M. de Montalivet et tous les ministres de Louis-Philippe. Il devint ensuite ingénieur en chef de ces compagnies et professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées, à Paris.
De 1831 à 1834, Clapeyron avait composé son Mémoire sur la Théorie mécanique de la chaleur, qui est imprimé dans le Journal de l'Ecole polytechnique. Sadi Carnot, fils aîné de Lazare Carnot, avait publié en 1824, un ouvrage intitulé : Réflexions sur la puissance motrice du feu. C'est le premier travail dans lequel on ait franchi la distance qui sépare des idées vagues et incertaines de principes fondamentaux énoncés avec précision et d'une façon scientifique, formant un corps de doctrines sur les relations existantes entre la chaleur et le travail mécanique. Cet ouvrage, peu remarqué lors de son apparition, par le public et même par les savants, avait attiré l'attention de Clapeyron. 11 se fit le commentateur de Sadi Carnot; il traduisit en langage algébrique les principes que celui-ci avait énoncés et démontrés par des raisonnements difficiles à suivre par tout le monde, et arriva à des conséquences nouvelles qui s'ajoutèrent aux propositions de Sadi Carnot. Clapeyron est un des hommes qui ont coopéré à la vulgarisation de la théorie mécanique de la chaleur, qui a enfanté tant de merveilles.
De 1837 à 1815, Clapeyron s'était occupé aussi des études et des projets des chemins de fer du Nord. Il a coopéré à leur exécution, et il est resté jusqu'à sa mort l'ingénieur-conseil de la Compagnie. En 1852, il a coopéré au même titre à l'exécution des chemins de fer du Midi, de Bordeaux à Cette et de Bordeaux à Bayonne.
Les grands ponts métalliques sur la Seine à Asnières, sur la Garonne, le Lot, le Tarn, pour le passage des lignes ferrées, ont été construits sur ses projets. C'est à cette occasion qu'il a formulé une méthode nouvelle et facile pour le calcul de tous les éléments de résistance d'une poutre portant sur un nombre quelconque de points d'appui et uniformément chargés.
C'est donc avec justice qu'en 1858 l'Académie des Sciences voulut consacrer tant de travaux et de services, en lui donnant le fauteuil de Cauchy.
Clapeyron avait des idées larges et fécondes sur toutes choses. Il les a développées en grande partie dans un livre excellent intitulé : Vues politiques et pratiques sur les travaux publics en France. Il avait aussi combiné un vaste plan pour créer une Ecole générale et spéciale, destinée à ouvrir aux jeunes gens de toutes les classes de la société les carrières consacrées à l'art universel de la construction. C'était un savant aussi modeste que profond, doué du caractère le plus aimable ei le plus bienveillant. N'omettons pas, parmi ses titres d'inventeur, que c'est lui qui est l'auteur de la détente des machines à vapeur à double effet.
Son éloge a été prononcé en 1861 par Combes et Lamé. La ville de Paris a donné son nom à une des rues situées sur la rive droite de la Seine.
Le portrait de Clapeyron reproduit ici a été dessiné d'après l'original confié par son fils M. le colonel A. Clapeyron, né le 1er décembre 1831, ancien élève de Saint-Cyr, possédant à son actif dix-sept campagnes, accomplies brillamment en Afrique, au Mexique, en France, blessé à Sedan, prisonnier de guerre, après le 1er septembre 1870. Renommé par sa bravoure et ses talents d'officiers, la carrière du colonel Clapeyron fut brisée par tous les ressentiments politiques qui ont si tristement agité notre armée à la suite de nos désastres. Mis brutalement à la retraite, pour des rancunes exclusivement de parti, le colonel Clapeyron a dû rentrer dans la vie privée, tandis qu'il était admirablement préparé pour contribuer à la réorganisation militaire de la France. C est ainsi que nous perdons par la passion et la haine un nombre important d'hommes généreux et clairvoyants.
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