Le phare d'Alexandrie est l'une des 7 merveilles du Monde antique, la plus récente. Il s'agit d'un phare de grande taille, fait en pierre, à l'architecture caractéristique et dont les vestiges sont actuellement dans le port d'Alexandrie. L'importance de cet édifice l'a placé sur la liste des sept merveilles alors même qu'elle n'y figurait pas intialement : Le document qui nous sert de référence, le Palatinus 398, écrit par Philon de Bysance, n'en faisait pas mention tout simplement parce qu'il lui était antérieur, mais le phare est venu remplacer les remparts de Babylone de cette liste à un moment que nous ignorons.
Le présence du pahre d'Alexandrie parmi les 7 merveilles du monde est donc une façon de marquer la puissance du royaume egyptien durant l'Antiquité, Alexandrie étant le centre commercial, social et intellectuel de ce royaume à cette époque. Construit durant le IIIe siècle avant JC, il fut démoli définitivement durant le XIVe siècle, une époque où la région subit des tremblements de terre importants.
Avant la construction du phare
Le contexte
De nos jours deuxième ville d'Egypte par sa population, Alexandrie est une ville côtière de grande importance, la porte d'entrée maritime du pays. Mais déjà au IIIe siècle avant JC la ville était un centre du savoir, au sens où le monde de l'époque se limitait à la Méditérannée et aux royaumes alentours. Les domaines les plus courus étaient la littérature, la science, les mathématiques, l'astronomie et la médecine. De nombreux savants font des découvertes dont nous nous souvenons toujours ou qui sont toujours utilisées. Côté architecture, ce sont essentiellement les monuments qui sont remarquables. La ville se couvre d'édifice dont le but est de marquer la puissance du royaume. Ces monuments sont construits au fil du temps, à des époques différentes.
Vers la fin du IIIe siècle avant JC la population s'était accrue considérablement. Le port avant une forte activité, c'est autour de lui que se construira le fameux phare.
En savoir plus sur le Contexte de la construction du phare.
Les raisons de la construction du phare d'Alexandrie
Il existe deux raisons qui ont motivées la construction du phare d'Alexandrie. Tout d'abord une raison utilitaire. La ville disposait, à faible distance, d'une île nommée "Pharos". Peu à peu rapprochée des terres par le dépot de limon apporté par le Nil, elle est devenue une presqu'île, formant deux courbes se resserrant vers la terre, délimitant deux ports naturels qui furent rapidement utilisés.
Reste que la côte égyptienne est dangereuse. Bardée de récifs affleurants la surface voire même sous l'eau, elle a envoyé par le fond un grand nombre de bateaux grecs et romains, provoquant des drames humains tout comme des pertes matérielles importantes. Pour sécuriser le port il fallait donc construire un phare, ce qui fut fait.
L'autre raison est symbolique. Un phare était un bâtiment rare dans le Monde, il était difficile d'en construire car la proximité de la mer rendait les travaux complexes et la maintenance de l'édifice était bien plus difficile à réaliser que pour les bâtiments sur terre. De plus de tels travaux étaient toujours plus utiles pour d'autres édifices que pour un phare dont, de tout temps, les marins se passaient. Parvenir à construire un phare à l'entrée du port n'était donc pas seulement utile : Il marquait aussi la puissance de l'Egypte, et plus particulièrement d'Alexandrie. Le phare était donc un symbole de puissance, il a servi à propager le nom d'Alexandrie dans la Monde.
A noter que sa notoriété était tellement grande que le nom de cette île est devenu un nom commun : L'île de Pharos, à l'origine du mot "Pharus" en latin, qui est devenu "Phare" en français. Toutes les langues latines ont le même mot pour désigner cet édifice.
Les phares avant le IIIe siècle
Bien sûr le phare d'Alexandrie ne fut pas le premier de l'histoire, mais si on retient celui-là c'est pour son imposante silhouette et sa taille immense qui l'on rendu sans comparaison avec ceux qui existaient avant.
La Méditerranée n'est pas spécialement riche en phare d'avant le IIIe siècle, mais les grecs avaient l'habitude d'en construire à l'entrée de certains ports. Ils étaient alimentés en feu toute la journée et surtout la nuit. L'un des plus anciens est celui de Phanari, du VIe siècle avant JC. De taille modeste (2m54), il se compose d'une tour cylindrique de 3m50 de diamètre au sommet duquel a été mis en place des dalles de grès sur lesquelles des personnes attitrées maintenaient le feu en vie. Au Pirée, le port d'Athènes, il existe plusieurs vestiges de phares, dont les plus anciens datent du Ve siècle avant JC. Sur l'île de Thasos, en mer Egée, il y a également un phare datant du VIe siècle avant JC. Tout ceci nous prouve que si l'idée de diriger des navires au port via des phares n'est pas neuve, celle de construire un phare de grande dimension l'est, et c'est la raison de la magnificence de celui d'Alexandrie.
Les Travaux
Qui est l'architecte du Phare d'Alexandrie ?
Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre car les sources sont rares et peu précises. On a longtemps attribué ce monument à Sôstratos de Cnide. Il était un homme puissant, qui avait l'oreille des rois, un proche du roi Ptolémée Ier et de son fils. Son nom a été trouvé sur le monument, écrit en caractères de plomb, tel qu'indiqué dans des documents anciens du géographe grec Strabon et de Lucien, et c'est cette mention qui a fait dire à tous les spécialistes qu'il était à l'origine du phare. Mais de nos jours cette thèse est réfutée car un tel monument n'aurait pas pu accueillir d'autres mentions que celle du roi Ptomélée Ier, ce qu'il a sûrement reçu mais dont nous n'avons pas de trace. En fait un papyrus conservé au Louvres nous apprend que la dédicace n'était pas destinée au phare mais à la statue qui la surmontait. Il s'agit d'un poème.
Cette sauvegarde des Grecs, ce veilleur de Pharos, ô Seigneur Protée, Sôstratos l'a érigé, fils de Déxiphanès de Cnide, car en Égypte tu n'as pas pour guettes des hauteurs sur des îles; au ras de l'eau s'étend la baie où mouillent les bateaux. Voilà pourquoi dressée toute droite, découpe le ciel une tour visible à d'innombrables stades durant le jour. La nuit, bien vite, au milieu des vagues, le marin apercevra le grand feu qui, au sommet, brûle, et pourra courir droit sur la corne du Tauros, et qui navigue dans ces parages ne saurait manquer, ô Protée, d'atteindre Zeus Sauveur.
Par ailleurs Sôstratos de Cnide fut ambassadeur et était un personnage très riche, on peut même imaginer qu'il fut le financier du phare et pas son architecte. On peut tendre vers cette hypothèse à la lecture du poète Poséidippos qui vécut au moment de la construction du phare et qui parle de Sôstratos comme celui qui érigea le phare, mais aussi de Strabon, le géographe grec, qui utilise les mots "il a dédié" et pas "il a construit". Les premières traces de Sôstratos en tant qu'architecte date du Ier siècle après JC, dans le livre XXVI de "l'Histoire naturelle", de Pline l'Ancien. Est-ce là le début d'une erreur qui perdurera jusqu'à nos jours ou la réalité ? Pour l'instant ni les archéologues ni les historiens ne sont parvenus à répondre clairement à cette question.
A noter que Cnide était une ville aujourd'hui ruinée de la côte turque, face à l'île de Rhodes.
Emplacement du phare d'Alexandrie
Si l'architecte du phare reste inconnu à ce jour, le lieu d'édification est parfaitement connu, c'est sur l'île de Pharos, une île qui, à l'époque, était à faible distance de la côte. Depuis les limons du Nil ont comblé le bras de mer entre les deux, transformant l'île en presqu'île. Le phare était à l'extrémité orientale de l'île, sur l'emplacement du fort Qaitbay. D'ailleurs, ce dernier a été construit partiellement avec les pierres du phare effondré.
Cette île était à l'époque plus importante qu'elle ne l'est aujourd'hui. Elle était plus élevée, d'à peu près 5 à 6m, et elle disposait de murs de soutenement qui sont toujours visibles en plongée sous-marine. La preuve de l'emplacement du phare d'Alexandrie a été fournie par des équipes d'archéologues français qui ont effectuer une série de plongée sous-marines dans le port, comme expliqué ci-dessous. Il faut aussi savoir que l'île du Diamant a été évoqué comme lieu possible d'édification du phare, mais cette hypothèse est désormais obsolète. De toute façon, cette île est trop effleurante pour qu'elle ait pu recevoir un phare, même après le bombardement de 1882 qu'elle a reçu de la part de la marine anglaise.
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Durée et coût des travaux
C'est la Souda, un texte grec du Xe siècle, qui permettent de connaître la date de début des travaux, 297. Une traduction de ce texte, pour l'article 113 de la lettre Phi est :
Phare : au masculin, désigne le Phare d’Alexandrie, qu'a érigé sous Ptolémée roi d'Egypte Sostrate de Cnide, fils de Dexiphanès, sur Pharos, l'île de Protée, à l'époque où Pyrrhus l'héritier d'Achille a déjà reçu le pouvoir sur l'Épire.
Ce pourvoir lui ayant été donné en 297, nous avons là la date de début des travaux. Ils n'auraient duré que 15 ans si l'on en croit la chronologie d'Eusèbe qui affirme qu'il a été achevé au moment de la 124e Olympiade, sous Ptolémée II. Ca place les travaux entre les règnes de Ptolémée Ier et Ptolémée II, de 297 à 283 avant JC.
Une telle rapidité dans la construction d'un tel édifice est tout à fait notable, c'est le signe à la fois d'une bonne connaissance de l'architecture, mais aussi de la santé financière du commanditaire, le satrape (gouverneur) d'Egypte devenu roi Ptolémée Ier, qui pouvait mettre les moyens pour terminer rapidement son monument. A cette époque il était courant de voir des chantiers s'étirer sur plusieurs générations, même si ce n'était pas les cas les plus fréquents.
En ce qui concerne le coût du phare, il est estimé par Pline l'Ancien à 800 talents d'argent (Pline l'Ancien vivait au Ier siècle après JC, donc 4 siècles plus tard). Difficile de faire une comparaison efficace avec les moyens modernes...
Matériel
Le phare d'Alexandrie a été construit en pierre calcaire issue d'une carrière proche de la côte. Géologiquement cette région est suffisament riche en pierre pour avoir nécessité le transport de pierres d'autres régions, à moins d'avoir voulu explicitement des pierres particulières. Ca aurait pu être le cas, comme par exemple utiliser du marbre, mais en pratique c'est bien du calcaire qui a été utilisé. Ces pierres avaient un aspect clair, ce qui faisait dire aux visiteurs que le phare était blanc - ce qui est faux. A noter que les pierres du fort Qaitbay sont de la réutilisation de celles du phare, ont peu donc voir de nos jours ce qu'était ces pierres à l'époque. De plus celles que l'on trouve dans le port sont bel et bien du calcaire. Mais le calcaire, c'est une pierre tendre, pour un phare ce n'est pas un matériau très adapté. On imagine bien qu'au IIIe siècle avant JC il était difficile d'aller récupérer des pierres plus solides dans d'autres régions mais c'est pourtant ce qui a été fait pour les partie du phare les plus à risque : Angles du bâtiment, encadrements des portes et fenêtres, qui ont été construits à base de granit d'Assouan. On retrouve une telle façon de construire au fort Qaitbay.
L'appareillage des pierres est assez surprenant, pour ce que l'on en sache. La description du montage du phare est peu connu, il s'agit d'une hypothèse. Les constructeurs n'ont visiblement pas fait appel à du mortier pour lier les pierres entre elles mais ont utilisés une vieille technique de rainurage. Elles ont visiblement été assemblés sur un lit de plomb fondu, faisant office d'amortisseur. Ce qui est factuel, c'est que le taux de plomb dans la mer autour du site archéologique est important, d'après Jean-Yves Empereur, l'archéologue français en charge des fouilles maritimes.
Description
A quoi ressemblait le Phare ?
En fait il est assez facile de savoir à quoi ressemblait le phare d'Alexandrie, car il est représenté à de nombreuses reprises sur des documents anciens. Anciens, mais pas assez pour être contemporain du monument, aussi y a t-il toujours une part d'interprétation dans sa représentation, aussi faible soit-elle. Mais pour être honnête, le phare d'Alexandrie est probablement la merveille du Monde qui est la mieux connue, esthétiquement parlant, mis à part la pyramide de Khéops, bien sûr.
Commençons donc par des descriptions de témoins.
En 1154 un certain Edrisi, fit une description du phare d'Alexandrie, que voici.
On y remarque le phare fameux qui n'a pas son pareil au monde sous le rapport de la structure et sous celui de la solidité; car, indépendamment de ce qu'il est fait en excellentes pierres de l'espèce dite caddzân, les assises de ces pierres sont scellées les unes contre les autres avec du plomb fondu, et les jointures sont tellement adhérentes que le tout est indissoluble, bien que les flots de la mer, du côté du nord, frappent continuellement cet édifice. On y monte par un escalier large, construit dans l'intérieur, comme le sont ordinairement ceux qu'on pratique dans les tours des mosquées. Le premier escalier se termine vers le milieu du phare, et là l'édifice devient, par ses quatre côtés, plus étroit. Dans l'intérieur et sous l'escalier, on a construit des chambres. A partir de la galerie du milieu, le phare s'élève jusqu'à son sommet, en se rétrécissant de plus en plus, pas au-delà cependant qu'un homme n'en puisse toujours faire le tour en montant. De cette même galerie on monte de nouveau, pour atteindre le sommet, par un escalier de dimensions plus étroites que celles de l'escalier inférieur. Le phare est percé, dans toutes ses parties, de fenêtres destinées à procurer du jour aux personnes qui montent, et afin qu'elles puissent placer convenablement leurs pieds en montant. Cet édifice est singulièrement remarquable, tant à cause de sa hauteur qu'à cause de sa solidité; il est très utile en ce qu'on y allume nuit et jour du feu pour servir de signal aux navigateurs; les gens des navires reconnaissent ce feu et se dirigent en conséquence, car il est visible d'une journée maritime [100 milles] de distance. Durant la nuit, il apparaît comme une étoile brillante; durant le jour on en distingue la fumée.
Peu avant, en 1117, Al-Andalusî, alla à Alexandrie et en fit une autre description.
L'entrée du Phare est placée très haut. On y accède par une longue rampe de 183 mètres. Celle-ci repose sur une série d'arches [...]. Une fois arrivés en haut du premier étage, nous avons mesuré sa hauteur au-dessus du sol avec un bout de corde à laquelle nous avons attaché une pierre. Nous trouvâmes 57,73 mètres [...]. Au centre de la terrasse de ce premier étage, l'édifice se prolongeait, mais avec une forme octogonale [...]. Ce second étage était plus haut que le premier. En entrant nous vîmes un escalier qui comptait dix-huit marches et nous débouchâmes au centre de la seconde terrasse [...]. L'édifice se prolongeait encore sous une forme cylindrique [...]. Nous entrâmes et montâmes trente et une marches pour arriver au troisième étage dont nous mesurâmes la hauteur avec notre corde: 7,32 mètres. Sur la terrasse de ce troisième étage, il y avait une mosquée avec quatre portes et une coupole.
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Architecture du phare d'Alexandrie
Le phare d'Alexandrie est un bâtiment de forme monolithique qui mesurait 135m de haut. Il était à 3 étages : Au sol, un lourd bâtiment carré, sur lequel avait été construit un autre bâtiment octogonal. Au sommet, le troisième étage était cylindrique. Cette forme à trois niveaux se retrouvent dans d'autres phares de l'Empire grec, celui de Taposiris Magna en est un exemple. La porte d'accès était assez haute par rapport au sol, le phare était donc doté d'une rampe d'accès au premier étage, rampe qui était monté sur seize arches impressionnantes. Cette idée de mettre la porte en hauteur n'était pas une originalité, les premiers édifices à l'avoir étaient essentiellement défensifs, ça permettait de sécuriser l'accès à la porte en supprimant l'échelle, par exemple. Mais ici, il était inutile de défendre l'accès au phare, la rampe était donc en dur, non amovible.
Le premier étage était construit sur une plate-forme d'une dizaine de mètres de hauteur, elle était pyramidale et de forme carré. Le bâtiment lui-même était creux et contenait une rampe d'accès au 2e étage et une cinquantaine de pièces, c'était donc un vrai complexe urbain, pas du tout un simple bloc de pierre massif de soutènement. Ces différentes salles servaient au service du phare. On y trouvait des salles pour le personnel qui entretenait le feu au sommet, d'autres de stockage du bois pour son alimentation. La rampe, elle, était large et permettait le passage de boeufs pour acheminer le bois vers le haut du phare, elle était éclairée par une série de fenêtres, petites et longues, disposées le long de la rampe et donc, extérieurement, décalées les unes par rapport aux autres. Pour avoir une bonne idée de ce qu'était le premier étage du phare il suffit d'observer le temple d'Osiris, à proximité d'Alexandrie : Bâti par Ptolémée II, donc qui lui est contemporain, on y voit exactement la même structure massive extérieurement et creuse intérieurement, doté de nombreuses salles et d'un escalier intérieur. Cette partie du phare mesurait 71m de haut et à son sommet se trouvait une terrasse équipée d'une haute rambarde de 2,30m et de Tritons sculptés soufflant dans des cornes, un moyen de prévenir les accidents en mer.
Le deuxième étage était haut de 34m, soit la moitié, à peu près, du premier. Il était de forme octogonale et comme pour le premier étage il était creux, mais contrairement à lui il était équipé d'un escalier intérieur, pas d'une rampe. Il faut dire qu'à ce niveau le phare était trop étroit pour faire une rampe, c'est donc en haut du premier étage que les bêtes de somme montaient le bois à brûler au sommet, pour le reste du trajet, ça devait se faire à la main.
Le troisième étage était le moins haut, seulement 9m. Il avait une forme cylindrique et était équipé d'un escalier intérieur.
La statue du sommet
Tout au sommet du phare il y avait une statue de Zeus, on sait qu'elle fut installé là pendant la première moitié du IIIe siècle av. J.-C. Mais les différentes représentations de cette statue à travers le temps laisse un doute sur son remplacement durant les siècles suivants. Un objet retrouvé en Asie mineure et représentant le phare nous montre une statue avec une rame de bateau, ce qui l'identifierait à Poseïdon, Dieu romain. Ca pourrait être crédible pour deux raisons.
- L'île de Pharos accueillait un temple à la gloire de Poseidon sur la partie occidentale,
- L'Egypte fut une province romaine.
Si il est vrai que l'histoire antique nous apprend que l'Egypte fut une province de l'Empire romain, il n'est donc pas anormal de trouver un Dieu romain au sommet de la tour la plus emblématique d'Alexandrie. Mais cette proposition n'est pas vraiment valable, les romains n'ayant conquis l'Egypte que trois siècles plus tard (30 ans avant JC).
Qui plus est on a retrouvé un intaille (pierre dure gravée en creux) du premier siècle après JC qui montre Zeus sur le phare, preuve que la statue serait restée à sa place durant 4 siècles. Comment être sûr de la chronologie des statues mises en place à ce sommet ? Difficile car l'Empire romain ayant banni toute représentation païenne à partir de 391, mais qu'en 539 un témoin assure qu'il y avait une statue d'Hélios au sommet du phare. Pourtant l'Empire romain était déjà chrétien, et il parait normal qu'à cette emplacement, une statue du Christ aurait dû être implantée.
A noter toutefois qu'il y avait d'autres statues sur le phare, le long de sa base. Certaines ont été retrouvées récemment, elles ont été sorties des eaux du port. L'une d'elle serait la reine Bérénice représentée en Isis avec son époux représenté en pharaon. Isis était une déesse glorifiée sur l'île de Pharos, tout comme l'était Poseidon.
Fonctionnement
Peu d'informations nous sont parvenues sur le fonctionnement du phare, mais il n'y a toutefois pas grand chose à découvrir, visiblement. Le feu était allumé sur la partie la plus haute, celle sur laquelle il y avait la statue. Il était important, visiblement puissant, et il était entretenu jour et nuit. Le jour, c'est la fumée qui dirigeait les bâteaux, la nuit c'est l'éclat. Il parait que le phare d'Alexandrie était visible à 50Kms à la ronde.
Pour l'alimenter il fallait une grande quantité de bois qui était stocké dans les salles du premier étage de la tour. Une rampe, comme indiqué dans la description, en faisait le tour intérieurement. Des boeufs pouvaient y circuler, montant les troncs régulièrement pour stockage. La suite devait être fait manuellement, les escaliers devenant trop étroits pour les bêtes de somme. A cours du temps il est possible que l'on soit passé à d'autres combustibles, en particulier le pétrole.
Certaines sources indiquent que le phare était équipé de miroirs réfléchissant pour accroitre sa visibilité, ça semble être faux. En tout cas, c'est peu crédible, dans l'état actuel des connaissances.
Evolution du phare dans le temps, sa dégradation
Il est difficile de suivre le phare dans le temps, car les témoignages de cette époque nous manquent. On sait que l'Empereur Anastase 1er (491-518) fit faire des travaux de rénovations des soubassements immergés à un certain Ammonios. En 670 l'évêque français Aroulfe explique dans un document le rôle de la tour de Pharus, son fonctionnement, et la raison pour laquelle il est important pour entrer en toute sécurité dans le port. Il en profite pour indiquer que l'île est entourée de pieux massifs destinés à soutenir les berges.
Bâti en une seule fois, le phare d'Alexandrie n'a visiblement pas subi de modifications importantes au cours de son existence. En fait, les modifications furent essentiellement d'origine naturelle. C'est un tremblement de terre qui détruisit le troisième étage du phare durant le Xe siècle. Mis à terre, le sommet ne fut jamais reconstruit. A sa place le sultan Ahmed Ibn Touloun, qui dirigeait la ville, fit construire un oratoire, donnant au phare un rôle de mosquée (et au passage, il s'agissait alors de la mosquée la plus haute du monde). Si vous observez le minaret que ce sultan a construit au Caire, vous constaterez qu'il suit la même forme architecturale que le phare d'Alexandrie : Carré en bas, octogonal au centre et cylindrique au sommet.
En 1303 un second tremblement de terre le frappa à nouveau, de façon plus violente. Si l'on en croit un écrit conservé à Montpellier (Cartulaire de Montpellier), la date exacte de la secousse est le 8 août.
En l'an 1303, le 8 août il y eut un grand tremblement de terre en Alexandrie qui fit tomber le phare et bien le tiers de la ville.
Mais la destruction ne semble pas avoir été totale puisque Ibn Battuta, était encore capable de décrire le phare en avril 1349.
Etant allé au Phare à mon retour du Maghrib, en l'an 750, je constatai que son état de délabrement était tel qu'il n'était plus possible d'y entrer, ni d'arriver à la porte y donnant accès.
Ce n'est qu'à la fin du XVe siècle que le phare d'Alexandrie, ou plutôt ce qu'il en restait, fut complètement démonté. Les pierres servirent alors à la construction du fort Qaitbay qui surveille l'entrée du port de la ville encore de nos jours.
Si on dispose d'assez peu de textes expliquant comment fut construit le phare et comment il traversa les siècles, on a quand même quelques informations grace à des témoignages intéressants.
Comme dit plus haut En 670 l'évêque français Aroulfe fit une description du site, elle est très ancienne. En 870 c'est un fonctionnaire en Egypte, un bagdadi, qui en fit une autre description similaire. Le phare était alors toujours utilisé quotidiennement.
Ali al-Mas'udi, né à Bagdad et mort au Caire vers 956, était un historien et un géographe arabe. Témoin de la lente disparition d'Alexandrie dû aux différentes secousses sismiques ainsi qu'aux affaissements de terrain, il décrit précisément les dégats occasionnés. Son récit donne des précisions sur l'état du phare, déjà partiellement en ruine.
Le témoignage d'Abu al-Haggag Yusuf Ibn Muhammad al-Balawi al-Andalusî est intéressant par le fait qu'il date du XIIe siècle, il est fait donc peu avant la destruction sévère du phare (1303) et suffisament tardif pour nous être parvenu sans trop de déformations. C'est lui qui décrit la rampe d'accès, la porte en hauteur, la forme générale du phare. Au XIVe siècle c'est Ibn Battuta qui reprendra une description semblable, soit deux siècles plus tard.
En savoir plus sur le Histoire du phare.
Disparition définitive du phare
Pour quelle raison le phare d'Alexandrie a t-il disparu ? En fait c'est assez simple, il a subit deux évènements. Tout d'abord il a été abandonné et sans entretien, on le retrouve au Xe siècle fortement dégradé après qu'un tremblement de terre ait fait tomber le 3e étage. Il ne pouvait déjà plus servir à cette époque, et sans doute ça faisait bien longtemps qu'il ne servait plus, réellement. Le phare aurait pu être réparé puis consolidé mais la civilisation arabe des premiers temps de l'époque musulmane n'avait pas l'ampleur de la civilisation précédente, aussi leur était-il impossible de le redresser. Cette période dura jusqu'à la fin du XVe siècle, au moment où il était tellement dégradé qu'il fut démoli. Les pierres furent récupérées et servirent à la construction du Qaitbay qui surveille l'entrée du port de la ville encore de nos jours. C'est donc à la fin du XVe siècle que l'on a perdu tout espoir de faire revivre le phare d'Alexandrie.
Dans le port d'Alexandrie il y a des vestiges du phare, les pierres qui s'étaient abîmées en mer sans que l'on puisse les remonter facilement. Des archéologues-plongeurs travaillent régulièrement sur ce chantier.
Archéologie sous-marine
Fouilles
Voilà bien longtemps que l'on sait que des vestiges du phare doivent être immergés au fond du port d'Alexandrie, mais il a fallut attendre l'époque moderne pour songer à faire de réelles explorations archéologiques.
Les premières fouilles subaquatiques eurent lieu dès 1968, mais elles furent arrêtées rapidement. Elles reprirent entre 1992 et 1998 sous la responsabilité d'un français, Jean-Yves Empereur, et par l'entremise du Centre d'Études Alexandrines. Ces explorations permirent d'identifier de nombreux blocs immergés ainsi que différentes statues qui furent remontées à la surface, en particulier un Ptolémée Ier en pharaon et Isis".
En savoir plus sur les Fouilles sous-marines.
Représentation du phare
Des sept merveilles du monde antiques, le phare d'Alexandrie est probablement celle dont on garde le plus de traces écrites - excepté la pyramide de Khéops, bien sûr. Mais à Alexandrie, son souvenir est encore plus vivace. La ville s'est doté d'un logo qui le représente, bien sûr, de même que l'Université de la ville.
De telles représentations modernes sont intéressantes car elles montrent l'attachement des Alexandrins à leur patrimoine, même disparu, mais rien ne vaudra l'intérêt des représentations d'époque sur des supports variés, au cours du temps. Et en premier lieu des représentations qui furent effectuées du temps de l'existence du monument, c'est à dire entre le IIIe siècle avant JC et 1303, car même si après cette date il était toujours sur place, il é tait ruiné et n'avait alors plus aucun intérêt, n'attendant que d'être démonté définitivement.
IIe siècle
Ces pièces sont présentées de la plus récente à la plus ancienne. Elles font partie des plus anciennes représentations du phare d'Alexandrie et bien que l'image ne soit pas précise, on devine la forme générale. Deux de ces pièces, frappées 400 ans après la construction du phare, mettent l'accent sur les statues du sommets.
A gauche : Une pièce de monnaie datant de l'Empereur Commode (180-192). Elle représente le phare d'Alexandrie et un bateau passant à proximité. (Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies)
Au centre : Une pièce de monnaie datant de l'Empereur Antonin (138-161). Elle représente le phare d'Alexandrie (Collection privée)
A droite : Une pièce de monnaie datant de l'Empereur Hadrien (117-138). Elle représente le phare d'Alexandrie (Collection privée)
VIe siècle
Cette mosaïque date de 539 après JC, elle au musée de Qsar, en Lybie. Elle représente le phare d'Alexandrie avec la statue de Zeus à son sommet. On peut le confondre avec Hélios puisqu'il porte une ceinture de rayons solaires autour de la tête, comme le fait le Dieu du Soleil (un symbole repris sur la Statue de la Liberté, des siècles plus tard.
XIIe siècle
L'une des dernières représentations du phare avant sa destruction se trouve à Venise, sur une mosaïque de la basilique St Marc. La trouver n'est pas si simple tellement cette basilique est riche question mosaïque. Cette représentation est donc assez fidèle. Même si on ne distingue pas, sur un tel travail, la différence entre la partie carré et la partie cylindrique, il semble que les proportions soient correctes. On y voit un début de rampe d'accès, et chaque étage est protégé par une sorte de rembarde. Le sommet est conforme aux descriptions passées mais elle ne rappelle pas la présence d'une statue à son sommet. De même il semble que les fenêtres ne sont pas correctement agencées, le phare semblant avoir eu des fenêtres en quiquonce.
Les représentations ultérieures à 1303 manquent totalement de crédibilité car elles ont été faites à partir de souvenirs (pour les plus fiables) ou sont purement imaginaires (dans le pire des cas). Entre les deux il y avait de la place pour certaines images qui se basaient sur des informations pas totalement fausses.
XVIe siècle
Ce dessin date du XVIe siècle, il a été réalisé par Muhammad al-Qaysî al-Gharnatî. Il se trouve actuellement dans un livre conservé à la Bibliothèque Nationale de France. Il s'agit d'un dessin très simple qui ne rivalise pas avec ceux fait à la même époque par des artistes occidentaux. Celui-ci à le mérite d'exister, il montre un phare sans la partie centrale octogonale et met l'accent sur la rampe d'accès.
Maarten van Heemskerck était un portraitiste et peintre d'histoire de la cours des Pays-Bas. L'un de ces travaux consista à dessiner les 7 merveilles du Monde, dont la reproduction du phare d'Alexandrie est donnée ci-contre.
On y voit un travail colossal, mais surtout une oeuvre de fiction car cette représentation est sans doute la plus éloignée de ce qui a pu être dessiné de tout temps. La phare, cylindrique et bas, est doté d'une étrange rampe hélicoïdale. Il est sur une île bâtie et disposant d'une route serpentant dans la mer, alors que la réalité, sur ce point pas si éloignée, aurait montré une route droite. L'arrière-plan est couvert de montagnes alors qu'il n'en existe pas, à Alexandrie. Sans la mention "Pharos" on pourrait avoir un doute sur ce qu'est ce monument, aux premiers abords.
Voir les 7 merveilles du monde par Maarten van Heemskerck.
XVIIIe siècle
Cette image, très connue dans le monde de l'archéologie du phare d'Alexandrie, est une pure invention basée sur des éléments réels. Mais l'un dans l'autre, elle est très éloignée de la vérité, avec une tour à 4 niveaux au lieu de 3, un rempart circulaire et de curieuses décorations sur les murs que la réalité ignore. La forme même de l'île est une hérésie, l'île de Pharos étant plutôt longue alors que cette représentation la désigne comme circulaire.
Son auteur est Johann Bernhard Fischer von Erlach, il était architecte et sculpteur. De notionalité autrichienne, (Graz, 20 juillet 1656 - Vienne, 5 avril 1723, il est à l'origine du style architectural baroque tardif autrichien, ce qui se confirme dans ce dessin où on sent bien l'influence du baroque.
Le phare en tant que modèle
Le phare d'Alexandrie a toujours été un modèle pour l'activité maritime autour de la Méditerranée. On le retrouve sous plusieurs formes analogues dans des pays divers comme l'Egypte, la Lybie, l'Algérie, mais aussi en France, en Italie, en Espagne et jusqu'en grande-Bretagne où la forme du phare de Douvres, construit à l'époque romaine, était inspirée de celui d'Alexandrie.
La plupart de ces phares ont disparu de nos jours, et ceux qui sont toujours en place sont soit encore utilisés, et dans ce cas ils ont été modernisés au point de ne plus rien y trouver d'antique, soit abandonnés et dans ce cas il s'agit de vestiges parfois en bon état, mais la plupart du temps fortement remaniés au fil du temps.
En savoir plus sur les copies et répliques du phare d'Alexandrie.
Voir aussi :