Le spectacle "pittoresque" des fellahs en train d'égratigner la terre nilotique à l'aide d'araires identiques à celles peintes au temps des pharaons sur les murs des mastabas ne doit pas faire illusion. Le légendaire immobilisme égyptien est révolu. La modernisation du pays est en marche.
Une modernisation rapide
La création du haut barrage d'Assouan n'a pas seulement modifié le régime du Nil. En procurant à la Haute-Égypte un réservoir d'eau à la mesure de ses énormes besoins et au pays tout entier des ressources énergétiques surabondantes, la mise en service de cet ouvrage colossal a inauguré une ère de transformation qui doit faire passer l'Egypte d'un état de sous-développement à la situation économique d'un État moderne.
À cet effet, la mise en valeur des oasis libyques dans le cadre de l'aménagement de la Nouvelle Vallée, la mise en culture de nouvelles terres irriguées sur la côte méditerranéenne, dans le Delta, au sud de Port-Saïd, et sur le littoral méditerranéen du Sinaï préfigurent une production agro-alimentaire considérablement accrue. Le projet, depuis longtemps à l'étude, d'une irrigation de la dépression de Kattara par l'eau de mer dessalée apportera peut-être un jour à l'agriculture égyptienne un supplément de ressources alimentaires dont elle a grand besoin.
Dépendance de l'étranger
Néanmoins, la démographie galopante que connaît l'Egypte accroît sa population plus vite que les ressources alimentaires. Quoi qu'elle fasse, l'Egypte est donc condamnée à importer une partie de sa nourriture.
Cette dépendance à l'égard de l'étranger suppose une augmentation des sources de devises. L'équilibre de la balance commerciale est en partie assuré par les profits tirés des péages sur le canal de Suez. Encore les travaux d'élargissement et d'approfondissement, entrepris depuis 1978, tendent-ils à adapter les dimensions de la voie d'eau au gabarit des gros tankers aujourd'hui utilisés pour le transport du pétrole arabe vers les pays consommateurs d'Europe occidentale.
Ce même pétrole est produit aussi par des puits égyptiens depuis que des forages positifs ont fait des rivages de la mer Rouge un nouveau champ pétrolier. L'exportation de brut national occupe une part appréciable dans les ressources égyptiennes de devises, à peu près équivalente à celles du tourisme. Néanmoins, le développement de l'Egypte doit nécessairement passer par l'industrialisation.
L'industrialisation de l'Egypte
Or, du point de vue industriel, le bilan est loin d'être négatif. Aux industries traditionnelles du textile et de l’agro-alimentaire sont en effet venues s'ajouter de nouvelles branches de production au cours de la période récente. L'apport décisif d'énergie procuré par le haut barrage d'Assouan et de nombreuses centrales thermiques et atomiques a facilité la mise sur pied de grands projets industriels. Actuellement les rives de la mer Rouge et les environs du lac Nasser, en Haute-Egypte, voient s'élever les usines sidérurgiques, d'aluminium, de manganèse qui préfigurent l'industrie lourde dont se dotera peu à peu le pays.
Pour limiter l'hémorragie de devises découlant de l'effort de défense nationale, l'Egypte s'est orientée vers une diplomatie plus pacifique. Elle peut commencer à envisager cette mise en valeur de son territoire que lui impose sa démographie explosive. Son effort passe par la lutte contre l'analphabétisme. La scolarisation des enfants, mais aussi l'enseignement secondaire et supérieur restent des objectifs vitaux pour le pays. Une incitation toute particulière se manifeste en faveur de l'enseignement technique supérieur. Les ingénieurs, les électroniciens, les chimistes égyptiens détiennent sans doute en eux l'avenir de leur pays.