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L'Egypte et l'Islam


Bien que la Constitution adoptée en 1971 et révisée en 1980 fasse de l'Egypte un État démocratique, socialiste et laïque, la charta, la législation islamique, y demeure la source unique du droit et de la loi. À cet effet, on peut dire que l'Egypte est un État musulman.

Durant des siècles, cette religion a forgé le tempérament égyptien comme elle réglait la vie quotidienne. Pour un musulman de ce pays, la religion met en avant «le savoir et le temps de vivre» dans les rapports entre les nommes. Ce principe commande, par exemple, au fidèle égyptien des règles d'hospitalité, de politesse, l'essence de la convivialité éminente de ce peuple.

Cette religion apprend aussi à l'homme qui suit ses enseignements à distinguer toujours le bon côté des choses, à être heureux de ce que Dieu lui accorde. L'islam est un système total. Grâce à lui, le musulman conquiert son indépendance individuelle. Grâce à lui, la société égyptienne doit conquérir son indépendance vis-à-vis de l'Occident. Certes, «de l'Occident on peut apprendre les sciences et les techniques, mais il faut appliquer l'islam à la politique et à la morale. L'islam est la sauvegarde d'un pays. » L'islam n est pas seulement dans les discours politiques; il est partout. Dans les mosquées et dans les rues, dans les foyers et dans les consciences. Le Coran est sans cesse diffusé. Par les livres, les disques, la télévision. La radio retransmet les prières de deux heures du matin à onze heures du soir. À toute heure, le fidèle a son Coran à portée de la main. D'ailleurs, à travers les villes, des haut-parleurs déversent ses versets dans les rues, en particulier lors des deuils. L'islam est avant tout une manière de vivre.

Les nuances qui infléchissent cette ligne de conduite caractérisent chaque société musulmane. En Egypte, le fidèle peut mettre en jeu ses préceptes à sa guise. Il n'y a ni rite ni hiérarchie imposée. Seule la prière doit être dite cinq fois par jour par le croyant, tourné vers La Mecque. Et la prière commune du vendredi, obligatoire, réunit dans les mosquées une bonne partie de la population.

Au neuvième mois de l'année lunaire, le ramadan impose ses règles d'abstinence. Durant cette période, interdiction de boire, de manger, de fumer; interdiction d'avoir des rapports sexuels entre le lever et le coucher du soleil. L'Égyptien vit à l'heure de sa foi. Au Caire, les deux grandes mosquées, Al-Azhar et Al-Husayn sont alors les points de ralliement d'une foule dense et recueillie. Ensuite, Viftar, la rupture du jeûne, entraînera de grandes réjouissances.

L'islam n'a ni clergé, ni hiérarchie religieuse. Les ulémas, ceux qui ont étudié, sont les docteurs de la loi coranique. Ils étudient le Coran pour aider les fidèles à le mettre en pratique et à vivre selon les préceptes de Mahomet.


Al-Azhar, foyer de pensée et de rayonnement

À l'origine centre de formation religieuse, la mosquée Al-Azhar du Caire est devenue peu à peu le symbole du «savoir» et de renseignement. C'est le rôle qu'elle conserve de nos jours. À la base y sont enseignées des matières pouvant s'intégrer dans le système islamique: la langue arabe, la médecine et, bien sûr, les études religieuses. Mais, depuis le milieu de notre siècle, Al-Azhar a évolué. De simple medersa, elle est devenue un centre universitaire ouvert à bien d'autres études. Aujourd'hui, ses dirigeants religieux, et surtout son recteur, jouent même un rôle important dans la vie politique du pays. À cause de leur autorité morale et intellectuelle, ils sont considérés un peu comme les arbitres de la vie du pays. Aucun grand événement politique qui ne se marque par un rassemblement à Al-Azhar. Et rien des grandes idées qui rayonnent à travers le monde arabe se diffusent à partir de ce foyer de réflexion islamique. Même si, en Egypte, son monopole d'enseignement est aujourd'hui grignoté par les universités laïques d'État.


Les Frères musulmans

L'islam colore aussi la vie politique égyptienne. En 1928, un jeune instituteur d'Ismaûia, Hasan al-Bannâ', fonde un mouvement gui va s'amplifier au cours des années : les Frères musulmans. Ce regroupement naît d'un besoin d'opposition à l'occidentalisation et à l'impérialisme. Au départ, ce sera un simple phénomène religieux et social Les frères musulmans se contentent de fonder des écoles, des dispensaires, des hôpitaux, et d'entreprendre la scolarisation des masses. Par la suite, leur bonne implantation dans le pays conduit les Frères musulmans à s’organiser de mieux en mieux. Ils entraînent même une armée. À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, leur organisation se révèle si puissante qu'elle commence à effrayer. Le mouvement est dissous. Une vague d'arrestations, de confiscations et d'assassinats frappe ses militants. On retrouve les survivants luttant en parallèle dans la course au pouvoir avec les « officiers libres », en 1952. Mais les objectifs des uns et des autres divergent. Les officiers veulent renverser le roi, alors que les Frères musulmans jouent la carte du roi Farouk. Au début de son mandat, Nasser ne s'inquiète pas de la confrérie. Pourtant celle-ci intensifie son action dans les masses populaires et au sein des syndicats. La signature par Nasser du traité passé avec les Anglais met le feu aux poudres. Les Frères trouvent, le raïs trop indulgent et attentent à sa vie. Il en réchappe. Mais la confrérie est à nouveau dissoute et de nombreux Frères emprisonnés. A la suite d'un deuxième complot découvert à temps par Nasser, le raïs fera le nécessaire pour réduire au silence ce mouvement.

Depuis 1970, le courant naguère incamé par les Frères musulmans se reforme dans une association dénommée les Groupes islamiques. Ce mouvement s'efforce de regagner les classes moyennes et prône l'intégrisme musulman, l'application stricte du Coran. Ces groupes rejettent en bloc le monde occidental et sa civilisation. Leur opposition à la politique du président Sadate devient inévitable, ils lui reprochent sa politique d'ouverture à l'Ouest et, après la signature de la paix avec Israël, «d'avoir bradé les intérêts arabes et accru la misère du peuple ».

Le pouvoir se verra contraint de faire des concessions à l'islam intégriste. Des décrets présidentiels déclarent crime passible de la peine de mort l'apostasie de la religion musulmane. L'adultère et l'alcoolisme sont sévèrement réprimés. Sadate manifeste son intention de rendre l'ensemble du système judiciaire égyptien conforme à la loi coranique. Mais il doit bientôt revenir sur son engagement devant l'indignation des musulmans modérés. Dès lors, Sadate devra lutter contre une opposition de plus en plus ouverte des fondamentalistes. Et c'est au lendemain d'une répression qu'il sera victime d'un attentat

Aujourd'hui l'islam modéré demeure majoritaire en Egypte. Pourtant, dans les rues, on voit de plus en plus souvent les jeunes femmes porter la tahra, remplaçant symboliquement le voile féminin. Et de violents incidents éclatent périodiquement dans les grandes villes au nom d'une interprétation plus ou moins stricte du Coran. Sous une forme ou sous une autre, l'islam tient une place importante dans la vie du pays.





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